L’avenir de l’énergie éolienne: le vent soufflera-t-il dans les pales?

eolienne-geante   Dans un rapport récent consacré aux « Coûts des énergies renouvelables en France » (ADEME, décembre 2016, www.ademe.fr ), l’ADEME souligne que ceux-ci baissent fortement mais qu’ils dépendent d’un grand nombre de facteurs (techniques, économiques et géographiques). Dans son rapport comme dans toutes les études internationales, l’ADEME distingue la situation de l’éolien terrestre de celui de l’éolien off-shore. L’énergie éolienne a réalisé une véritable percée dans le mix électrique de bon nombre de pays puisqu’elle représentait 6% de la capacité de production mondiale d’électricité (4% pour le solaire). En France, la capacité éolienne terrestre installée a dépassé les 11 GW fin 2016 (41 GW en Allemagne et 129 GW en Chine….). En France la production d’électricité par la filière éolienne (uniquement terrestre pour l’heure) a démarré en 2005 et, en 2015, elle a dépassé pour la première fois 20 TWh soit,  3,7 % de toute la production nationale. Les objectifs de développement de la capacité de production de l’éolien, fixés par la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), se situent dans une fourchette de 22 GW à 26 GW pour 2023, cet objectif sera difficile à atteindre. La plupart des scénarios énergétiques « prévoient » une forte montée en puissance de la production électrique par des filières renouvelables, en particulier l’éolien. Ainsi le scénario le plus volontariste de l’AIE (AIE, World Energy Outlook 2016, Paris 2016, www.iea.org), compatible avec les objectifs de la lutte contre le réchauffement climatique, fait-il l’hypothèse d’une croissance de 8,6% par an de la production mondiale d’électricité éolienne (essentiellement terrestre) à l’horizon 2040, elle serait de 5,5% pour l’UE et de près de 10% pour la Chine qui serait le premier producteur mondial d’électricité d’origine éolienne.

 L’ADEME estime que le coût total de production de l’éolien terrestre se situerait en France dans une fourchette de 54 à 108 € /MWh pour les machines standard, et dans une fourchette de 50€ à 94 €/ MWh pour les éoliennes avec un grand diamètre du rotor et dont la productivité est plus importante ; le bas des fourchettes correspondait grosso modo au coût du kWh produit par le nucléaire et l’hydraulique (il dépend de la localisation et de l’hypothèse retenue pour le taux d’actualisation). La situation de l’éolien off-shore incite à moins d’optimisme. Le coût de l’éolien en mer selon l’ADEME serait dans une fourchette de 123€/MWh et 227 €/MWh pour des éoliennes fixées sur des plateformes et encore plus élevé pour l’éolien flottant (entre 165€/MWh et 364 €/MWh). Les différences de coût s’expliquant par la nécessité de relier les éoliennes en mer à la côte par des câbles sous-marins.  Pour l’heure il n’y pas de production d’électricité par des parcs off-shore en France. Six parcs éoliens off-shore doivent être construits au large des côtes françaises du Tréport jusqu’aux îles d’Yeu et de Noirmoutier (d’une puissance proche de 500 MW chacun).

 La montée de la production de l’éolien a été rendue possible par la réduction des coûts de fabrication des éoliennes et des progrès techniques réalisés par les turbines. La majorité des éoliennes installées récemment avaient une puissance nominale de 2,3MW. L’avenir de l’énergie éolienne dépend de la poursuite de cette baisse des coûts. Un rapport récent, publié en septembre 2016 dans Nature Energy, par plusieurs laboratoires américains (Wiser, R., et a. « Expert elicitations survey of future energy costs », Nature Energy 12 September 2016, www.nature.com) présente les résultats d’une enquête sur les évolutions possibles de la technologie des éoliennes à l’horizon 2030, en comparant les perspectives pour les marchés européens et américain (il n’existe pas encore de fermes éoliennes en fonctionnement aux Etats-Unis). Les experts ont évalué trois « modèles » d’éoliennes : des machines terrestres, des éoliennes off-shore fixées sur socle au fond de la mer, des plates-formes flottantes supportant une éolienne. Le premier est une technique classique avec une turbine de 3,25 MW fixée au sommet d’un mât de 115 m de haut et avec des pales du rotor de 135 m de diamètre. Les éoliennes du deuxième modèle auraient une puissance de 11MW (légèrement supérieure à celle des moteurs d’une rame du TGV atlantique) avec un mât de 125 m de haut et un diamètre de 190 m pour les pales. L’éolien entrerait donc dans l’ère du gigantisme. La puissance de l’éolienne sur plate-forme flottante ne serait que de 9MW avec une turbine ayant les mêmes caractéristiques. La majorité des experts anticipe une réduction des coûts de production de l’électricité éolienne de 24 à 30% d’ici 2030 et de 35 à 41% d’ici 2050 pour les trois types d’éoliennes ce qui serait évidemment considérable. La capacité (le rapport entre l’énergie électrique fournie et l’énergie débitée à puissance maximum elle est au mieux de 40%). de chacune d’elles serait augmentée de 4 à 9%.

A l’horizon 2050, les éoliennes terrestres seraient les plus compétitives sur le marché mondial : le coût du kWh passerait en moyenne de 70 €/MWh en 2014 (proche de la parité avec le marché) à environ 40€/MWh (en € 2014). Les coûts des deux autres filières off-shore se rapprocheraient (proches de 80 €/ MWh au lieu de 120 €/ MWh en 2015 pour l’off-shore fixe (les éoliennes sur plate-forme n’existant pas encore) mais resteraient nettement supérieurs à l’éolien terrestre. L’augmentation de la hauteur des mâts et de la taille des rotors est le principal facteur de diminution des coûts de production, pour l’éolien off-shore la possibilité de transporter par mer tous les composants permet aussi une baisse des coûts de construction.

L’évolution vers le gigantisme des éoliennes va-t-elle se concrétiser (cf. photo d’une éolienne Adwin) ? Le plus grand projet en préparation est celui du Dogger Bank au Royaume-Uni (en mer du Nord sur la côte est du Yorkshire), il prévoit de construire un parc de 1,2 GW de puissance (200 éoliennes de 6 MW de puissance chacune). Le constructeur allemand d’éoliennes Siemens voit encore plus grand puisqu’il compte inaugurer à Cuxhaven, en 2017, une usine pour fabriquer des éoliennes de 7MW de puissance. Un projet de recherche, financé par le Programme cadre de recherche de l’UE,  modélise des futures éoliennes offshore de 20 MW de puissance (projets Upwind et Innwind), une étape de plus dans le gigantisme : le mât culminerait à 150 m de hauteur avec un diamètre des pales du rotor de 250 m, celui-ci pèserait 770 tonnes !).

La course au gigantisme des éoliennes est une option pour augmenter leur capacité de production notamment en off-shore (elle augmente d’autant plus que le rotor est à haute altitude car les pales captent des vents à plus grande vitesse),  de 2 à 3 MW ( cf . aussi P. Papon, « Vers un gigantisme des éoliennes ? » Nature Vigie, décembre 2016 www.futuribles.com et IFP Energies nouvelles, Panorama 2016, L’éolien offshore, 2016, www.ifpenergiesnouvelles.fr). La résistance mécanique des pales des rotors sera un point critique qui appelle un effort de recherche sur les matériaux. Le choix des lieux d’implantation des éoliennes, quel que soit leur taille, suppose une très bonne connaissance du régime des vents et donc de disposer d’une base de données météorologiques sur plusieurs années comme le souligne un récent rapport du JRC (JRC, Commission Européenne, EMHIRES data set, Tome I, Wind Power generation, 2016, www.ec.europa.eu/jrc ).

L’éolien terrestre a certainement le vent en poupe et en mettant un zeste de réalisme dans les prévisions des experts (ils tiennent rarement compte des coûts annexes, notamment celui du stockage de l’électricité produite hors des heures de pointe), on peut estimer que l’éolien terrestre sera compétitif en France vers 2020, la filière off-shore mettra sans doute au minimum une décennie de plus pour percer. Avec les projets d’éolienne de grande puissance, la filière n’est sans doute pas loin de ses limites techniques.


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