Energies renouvelables: des emplois pour l’avenir? Quel avenir en Afrique?

Energie renouvelables : des emplois pour l’avenir ? Quel rôle en Afrique ?

   La palette des énergies dites renouvelables est très colorée puisqu’on y dénombre une dizaine de techniques, la plupart étant très anciennes (la bioénergie étant la doyenne, suivie par l’hydraulique, le solaire photovoltaïque étant la plus jeune). L’énergie solaire photovoltaïque, l’énergie éolienne terrestre et les biocarburants sont, pour l’heure, les trois principaux piliers sur lesquels reposent les stratégies de développement des énergies renouvelables et que mettent en œuvre tous les pays engagés dans une transition énergétique. Un récent rapport de l’IRENA (International Renewable Energy Agency, Renewable Energy and jobs 2016, Annual Review 2016, www.irena.org ) dont le siège est à Abu Dhabi, permet de faire le point sur les progrès accomplis par les énergies renouvelables sous l’angle de l’évolution des emplois, un point de vue qui est important dans la mesure où dans beaucoup de pays, en France notamment, on évoque les perspectives de créations d’emplois par « l’économie verte ». Globalement, l’IRENA a recensé 8,1 millions d’emplois dans le monde dans les secteurs des énergies renouvelables (incluant la production industrielle des équipements, la production des énergies et la maintenance des infrastructures) auxquels il faut ajouter 1,3 million d’emplois liés à la « grande » hydroélectricité (les grands barrages). L’IRENA, curieusement, ne comptabilise pas séparément les secteurs de l’éolien terrestre et off-shore. Les emplois auraient progressé de 5% entre 2014 et 2015, un chiffre qui témoigne de la montée en puissance de ces énergies bien que le rythme de cette croissance des emplois se soit ralenti depuis 2013.

Il est intéressant de rentrer dans les détails, secteur par secteur et pays par pays. Le solaire photovoltaïque est le secteur qui compte le plus d’emplois (2,8 millions) avec une forte progression en 2015 par rapport à 2014 (11%), essentiellement aux Etats-Unis, et au Japon et avec une stabilisation en Chine. Les biocarburants avec 1,7 millions d’emplois viennent en deuxième position mais avec une baisse de l’emploi de 6% (attribuée en partie à la mécanisation des cultures). L’énergie éolienne vient en troisième position avec 1,1 million d’emplois dans le monde et avec une croissance de 5%, particulièrement forte en Chine, aux Etats-Unis et en Allemagne. Le solaire à concentration, ou thermodynamique, pour produire de l’électricité vient en dernière position avec 14 000 emplois alors que les techniques de captage de la chaleur solaire pour le chauffage et les eaux sanitaires en représentent 940 000 mais sont en retrait. On observe que l’ensemble des bioénergies (biocarburants, biomasse solide, essentiellement le bois, et biogaz) représente 2,9 millions d’emplois, un nombre équivalent au solaire photovoltaïque.

Les comparaisons entre pays mettent en évidence le rôle majeur joué par six pays : la Chine (3,5 millions d’emplois), le Brésil, l’Inde, les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne. La France ne compte que 170 000 emplois dans ces secteurs (en baisse de 4% entre 2014), soit deux fois moins que l’Allemagne. On constate une nette migration des emplois vers l’Asie dont la part des emplois mondiaux s’est accrue de 60% en 2015. On observe, enfin, que le poids de l’UE décroit, elle comptait 1,2 million d’emplois en 2015 en baisse de 3%). Son secteur industriel de l’énergie solaire (la production des cellules) s’est effondré en quelques années, l’emploi en 2015 n’y représente plus que le tiers du niveau qu’il avait en 2011. L’UE a laissé son marché à la Chine, et dans une certaine mesure au Japon et à la Corée du sud, faute d’une politique industrielle et d’une protection douanière suffisante. La Chine est aussi devenue le leader industriel de l’éolien, parmi les dix plus grandes sociétés mondiales du secteur cinq  sont chinoises.

L’Afrique est peu présente dans le panorama mondial de l’IRENA (environ 60 000 emplois) alors que ses besoins énergétiques sont considérables comme le soulignait l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, dans un rapport publié après la Cop 21 sur l’énergie en Afrique (Africa Progress Panel, Power People Planet, Africa Progress  Report 2015, www.africaprogresspanel.org ). Il incitait les pays du continent à développer des techniques à bas carbone, le solaire et l’éolien notamment. Comme nous l’avons signalé, à plusieurs reprises dans nos blogs, le défi pour l’Afrique est considérable puisque les deux tiers de sa population n’ont pas d’accès à une énergie moderne et 650 millions d’habitants de l’Afrique sub-saharienne n’ont pas l’électricité. Les ressources énergétiques de l’Afrique sont cependant importantes (les hydrocarbures notamment, l’hydroélectricité y étant sous-exploitée). S’agissant de l’éolien et du solaire, le potentiel de production est lui aussi important et totalement sous-exploité (cf. Erica Gies, « Can wind and solar fuel Africa’s future ? », Nature, vol ; 539, p. 20, 3 November Solaire Maroc2016, www.nature.com ), il excéderait les besoins de l’Afrique en 2030. L’Egypte aurait une production annuelle, potentielle, d’électricité solaire photovoltaïque de près de 500 TWh (équivalente à la production française totale d’électricité) et l’Afrique du sud de 400 TWh, l’Angola une production de  près de 200 TWh de solaire tout comme l’Ethiopie. Il faut, toutefois, considérer ses chiffres avec prudence car il y a loin des potentialités à la réalité : il faut mobiliser des investissements, tester les techniques, former des experts, etc. Le Maroc donne, il est vrai, l’exemple avec un plan de développement des énergies renouvelables ambitieux dont la centrale solaire à concentration Noor, à Ouarzazate (à 150 km de Marrakech à vol d’oiseau), d’une puissance de 160 MW à est emblématique.

La « décarbonisation » de l’énergie est incontestablement en marche selon l’AIE qui, dans son rapport sur le marché des énergies renouvelables en 2015, notait que cette année marquait un record mondial de nouvelle puissance installée (63 GW d’éolien et 49 GW de solaire installés, IEA Mid-Term Renewable Energy Report 2015, www.iea.org). Toutefois ce rythme ne se pas traduit encore par une forte  progression des créations d’emplois dans le secteur. Qui plus est, les politiques publiques en Europe sont insuffisamment incitatives alors que certains facteurs techniques sont encore bloquants (le rendement des cellules solaires par exemple) et le stockage de l’électricité restant un verrou qu’il faut faire sauter, ils sont souvent sous-estimés.


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