Energies renouvelables: coucher de soleil sur le silicium? Progrès et perspectives

 

Un bilan provisoire de la production d’électricité en France en 2014 met en évidence la lente montée en puissance de la contribution des filières renouvelables, le solaire et l’éolien. En septembre 2014, la puissance éolienne disponible s’élevait à 8,8 GW et l’on observe qu’au minimum  600 MW de nouvelles installations éoliennes auront été raccordés au réseau en 2014 alors que depuis 2010, le rythme de raccordement avait constamment baissé d’une année à l’autre. L’éolien aura produit 3% de l’électricité en France en 2014. La puissance installée en photovoltaïque est également en nette croissance, elle représentait 5,5 GW en septembre 2014 avec une production représentant 1,4% de la production nationale (Commissariat Général au Développement Durable, Chiffres et statistiques No 584, Novembre 2014, /www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr). La progression des énergies renouvelables est également manifeste dans le monde. Ainsi selon un rapport du Réseau Ren21 (Renewable Energy Network for 21st Century, Report 2014) celles-ci, toutes filières confondues représentaient 19 % de l’énergie consommée dans le monde en 2012. La puissance électrique installée, hors hydraulique, représentait 560 GW en 2013 avec une forte dominante éolienne (318 GW), le solaire Photovoltaïque venant en deuxième position avec 140 GW et le solaire à concentration 3 GW seulement, le poids de la bioénergie (l’utilisation de la biomasse) n’étant pas négligeable (88 GW). Un groupe de six pays se détache nettement dans le développement des filières renouvelables électriques : la Chine, les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et l’Inde. En Espagne et en Italie le solaire photovoltaïque a contribué à 8% de la production nationale d’électricité, en 2013, et au Danemark le tiers de l’électricité provenait de la filière éolienne. La situation en Europe est donc assez contrastée ; alors que les énergies renouvelables représentaient, en 2012, 14% de l’énergie finale consommée avec une baisse de près de 20% des investissements dans le secteur entre 2011 et 2012. On constate, en revnache, que la consommation et la production de biocarburants ne progressent que faiblement depuis 2010, la consommation dans l’UE était de 14 Mtep en 2012 avec deux pays leaders : l’Allemagne avec 3 Mtep et la France avec 2,7 Mtep.

La progression des filières renouvelables est indéniable. Les investissements dans le solaire photovoltaïque qui ont pris un net retard sur la filière éolienne semblent vouloir le rattraper puisqu’en 2013 ils représentaient 53% des investissements totaux dans le domaine des énergies renouvelables dans le monde. La production totale de cellules solaires (en grande majorité du silicium) représentait environ une puissance de 40 GW  avec une très forte domination de la Chine (une production de 22 GW en 2012). La baisse des coûts des cellules est continue depuis dix ans, le prix du Watt crête pour les cellules solaires en silicium est désormais nettement inférieur à 1 $ sur les marchés mondiaux (cf. JRC, PV Status report 2014, www.ec.europa.jrc ). Il est vrai que les cellules ne représentent que 40%, au maximum, du coût total d’un panneau solaire pour une installation sur un immeuble. La baisse du prix du kWh produit si elle est réelle n’est pas encore suffisante pour assurer, à court terme, la compétitivité du solaire dans la majorité des pays européens (le coût moyen de production hors taxes du kWh se situe entre 12 c€ et 18 c€  pour des installations d’une durée de vie de 20 ans).

Si la filière des cellules au silicium est largement dominante (avec des cellules équipées de dispositifs à concentration de lumière les rendements sont dans une fourchette de 20-25%), elle n’est pas la seule. Des semi-conducteurs inorganiques tels que de tellurure de cadmium est les séléniures de cuivre et d’indium (ou  de gallium) ont des rendements de 20%. Quant aux composés organiques, leur rendements restent malheureusement encore faibles, à peine supérieurs à 10%. Comme nous l’avions souligné dans un blog en octobre 2014, d’autres perspectives ont été ouvertes, depuis peu, avec la famille des matériaux appartenant aux pérovskites (cf. image cristal « classique« ). Les pérovskites « classiques » sont des oxydes bimétalliques constitués, par exemple, de baryum et de titane. Leurs propriétés électriques sont connues et utilisées depuis longtemps, notamment dans des condensateurs et des dispositifs Perovskitepiézoélectriques pour détecter des chocs mécaniques. Des pérovskites ont été synthétisées au Japon, en 2009, combinant des composés inorganiques et organiques  où  l’oxygène est remplacé par un halogène, le chlore, l’iode ou le brome par exemple, et l’un des métaux est soit le plomb soit l’étain, un radical comme le méthyl-ammonium se substituant au second métal du cristal « classique ». Ces matériaux sont semi-conducteurs,  absorbant le rayonnement solaire ils sont testés dans des cellules solaires (ils sont déposés sur un substrat qui peut être du verre) et, depuis un an, les publications annonçant un progrès des rendements « pleuvent ». Les meilleurs, annoncés début 2015, sont proches de 20% (cf. Dong Shi et al. ”Low trap-state density and long carrier diffusion in organolead trihalide perovskite single cristal”, Science, vol. 347, No 6221, p. 519 30 January 2015, www.sciencemag.org). Une solution envisagée est de combiner ces matériaux avec du silicium car ils n’absorbent pas tout à fait les mêmes longueurs spectrales. L’avantage potentiel des pérovskites serait, outre leur rendement équivalent à celui du silicium, leur coût de production probablement moins élevé car leur synthèse est réalisée à une température qui n’excède pas 200°C. Leur inconvénient, pour l’heure, est l’utilisation du plomb, un métal toxique (l’étain étant une alternative). La stabilité des cellules doit également être testée (cf. une revue des perspectives dans Prachi Patel and David Mitzi « Perovskites in the spotlight », Energy Quartley MRS bulletin vol. 39, p.768, sept. 2014 www.mrs.org/bulletin).

Des perspectives intéressantes peuvent être ouvertes également par les matériaux constitués de couches monoatomiques. Le graphène est l’un d’eux. Il est constitué par du carbone, il n’est pas semi-conducteur mais sa conductivité étant excellente, il pourrait être utilisé dans des électrodes soit de batteries, soit de cellules solaires F. Bonnacorso et al. « Graphene, related two-dimensional crystals, and hybrid systems for energy conversion and storage”, Science, vol. 347, No 6217, p. 41, 2 January 2015, www.sciencemag.org).  Le silicène, découvert plus récemment (notamment par un laboratoire de matériaux de Marseille, G. Le Lay et al.), constitué par une monocouche de silicium est, lui, semi-conducteur et pourrait être utilisé dans des cellules solaires (cf. M. Peplow, « Silicene makes its transitor debut », Nature, vol. 518, p.18, 5 February 2015, www.nature.com ), tout comme le germanene constitué par du germanium mais il est trop tôt pour l’affirmer.

Une réflexion stratégique est donc nécessaire. Le silicium n’est certainement pas à la veille de son déclin mais des pistes sérieuses sont ouvertes laissant entrevoir la possibilité de mettre en oeuvre des matériaux synthétiques  totalement nouveaux avec des coûts de fabrication moins élevés que pour le silicium car nécessitant moins d’énergie. Autrement dit, les pays européens comme la France qui ont perdu la bataille industrielle du silicium n’ont sans doute pas intérêt à investir trop massivement dans la génération actuelle du photovoltaïque mais plus fortement dans la R&D pour préparer  une alternative technique et industrielle au silicium.

 


Publié

dans

par

Étiquettes :