Deux grandes filières se partagent aujourd’hui la capacité de production d’électricité à partir de l’énergie solaire : – la conversion photovoltaïque utilisant des semi-conducteurs, et notamment le silicium, qui connaît un développement rapide dans de nombreux pays depuis cinq ans – la voie thermodynamique qui permet de convertir la chaleur solaire en électricité via un moteur thermique et un générateur. Aujourd’hui, elles ne contribuent que marginalement à la production d’électricité (environ 0,5% de la production mondiale) mais deux récents rapports de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE, Technology Roadmaps, Solar Photovoltaic Energy et Solar Thermal Electricity, www.iea.org/roadmaps/) font l’hypothèse qu’elles pourraient véritablement décoller dans les prochaines années et contribuer de façon très importante à la production électrique mondiale : en 2050, elles en représenteraient respectivement 16 % pour le photovoltaïque et 11% pour le thermique soit, ensemble, un peu plus du quart de la production totale.
L’augmentation de la capacité solaire photovoltaïque installée est spectaculaire, elle s’éleverait, aujourd’hui, à 100MW par jour (soit un rythme annuel d’augmentation des nouvelles capacités de 49% !), pour une capacité mondiale installée de 150 GW début 2014. Depuis 2013, la Chine est le leader mondial du solaire photovoltaïque (marché des panneaux et installations de centrales sur son territoire) suivie par le Japon et les Etats-Unis. En Europe, l’Allemagne et l’Italie sont les leaders (7% de la production nationale d’électricité assurée par la filière photovoltaïque en Italie). Rappelons pour mémoire que la puissance solaire installée en France n’est que de 4,3 GW. L’accélération du développement de cette filière solaire doit beaucoup à la baisse du prix des cellules (il a été divisé par 5 entre 2008 et 2012) et selon l’AIE le coût de l’électricité produite dans le monde se situerait, en 2014, dans une fourchette de 90 à 300 $/MWh (70 à 230 €/MWh). L’AIE a révisé ses estimations de 2010 pour sa « feuille de route » solaire à l’horizon 2050, en 2010 elle avait proposé un scénario avec une part du solaire photovoltaïque dans la production électrique de 11% en 2050, une proportion qu’elle fait passer à 16% dans sa nouvelle feuille de route avec une capacité installée de 4600 GW, une estimation probablement optimiste. Elle estime aussi que le coût de production chuterait fortement, par étapes, et se situerait dans une fourchette de 40 à 160 $/MWh (30 à 120 €/MWh), en supposant un coût du capital de 8%. On observera qu’en 2050 la Chine représenterait 37% de la capacité photovoltaïque mondiale installée et que d’ores et déjà elle a le leadership du marché des cellules au silicium qu’elle vend à un prix de 0,45 € /W alors que les cellules solaires allemandes sont vendues au prix de 0,6 €/W ce qui a condamné l’industrie allemande à se retirer du marché. Ce scénario suppose des investissements très importants à hauteur, en moyenne, de 233 milliards de dollars par an, soit le double de leur niveau de 2013. L’intermittence de la production et son caractère « dual » (elle est consommée en partie par le producteur, par exemple quand elle est produite par des panneaux installés sur des toits d’immeubles, ou distribuée dans le réseau électrique) imposent la construction de nouvelles lignes, les « smart grids », et d’installations pour la régulation et l’équilibre des réseaux qui exigeront des investissements spécifiques.
L’avenir de la filière solaire thermique est sans doute moins « radieux » mais le second rapport de l’AIE l’envisage, néanmoins, de façon optimiste. Aujourd’hui cette filière est peu développée (4 GW de capacité mondiale installée), elle requiert en effet des conditions d’ensoleillement très favorables (un ensoleillement continu) et il n’est pas étonnant que la plupart des centrales solaires thermiques (ou à concentration) aient été construites en Californie et en Espagne (une capacité limitée à 2,3 GW par décision gouvernementale) et plus récemment au Maroc (avec une grande centrale à Ouarzazate). Quoi qu’il en soit, l’AIE « prévoit » dans sa feuille de route que la part du solaire thermique dans la production électrique pourrait atteindre 11% en 2050 avec une puissance installée de 1000 GW. Rappelons que cette filière a l’avantage de permettre le stockage sous forme de chaleur captée pendant la journée et stockée dans un liquide (un mélange de sels par exemple) pour être utilisée pendant les heures de pointe, en soirée, dans la centrale électrique (elle produit de la vapeur pour des turbines), cette possibilité simplifie le travail du réseau électrique qui peut être alimenté en fonction de la demande. L’AIE est prudente dans son évaluation des coûts de production et de leur évolution qui, estime-t-elle, dépendent en très grande partie des coûts du capital investi dans la construction de la centrale (dans une fourchette de 4000 à 9000 $/kW). Aujourd’hui la centrale espagnole d’Andasol (photo en marge) revend son courant à un tarif préférentiel de 300 €/MWh et celle de Ouarzazate à 150 €/MWh. On peut envisager une variété de scénarios pour l’avenir : notamment un couplage des filières photovoltaïque et thermique, une formule hybride centrale à gaz-filière thermique (une solution adoptée en Espagne en Andalousie).
L’avenir est probablement encore ouvert pour les filières solaires et en particulier pour la filière photovoltaïque. S’agissant de la filière thermique, ou à concentration, on peut estimer que les techniques sont parvenues à maturité, l’effort technique devant porter sur la synchronisation des miroirs avec le soleil et l’amélioration des capacités de stockage thermique par des matériaux. Elle n’a probablement un avenir que dans des régions où l’ensoleillement est favorable comme les Etats-Unis, le sud de l’Europe et l’Afrique du Nord. La très grande majorité des cellules solaires sont constituées de silicium et leur rendement plafonne dans une fourchette de 20-25%. La recherche travaille sur une alternative au silicium pour les cellules. Des semi-conducteurs comme l’arséniure de gallium (AsGa) ou le tellurure de cadmium (CdTe) sont déjà en piste, ils sont utilisés dans des cellules constituées de couches de matériaux différents. Une nouvelle voie a été ouverte par la chimie du solide, en 2011, avec des matériaux appelés pérovskites (en général ce sont des oxydes métalliques), où un organométallique composé d’un halogène (le chlore, l’iode ou le brome) et d’un métal comme le plomb ou l’étain est déposé en phase vapeur sur un support, on réalise des cellules dont le rendement est actuellement de 18 %, avec un voltage supérieur à celui du silicium; avant de pouvoir les utiliser dans des panneaux solaires il faut s’assurer de leur stabilité et tenter de trouver une alternative au plomb qui est toxique (M. Grâtzel, « The light and shade of perovskite solar cells », Nature Materials, vol. 13, p. 838, September 2014, www.nature.com/naturematerials ). On remarquera que les progrès des rendements de ce matériau ont été très rapides car ils ne dépassaient pas 4% il y a quatre ans. Ces nouveaux matériaux à base de pérovskite peuvent aussi être utilisés pour décomposer l’eau en hydrogène et en oxygène à l’aide de l’électricité produite par une cellule solaire constituée par une perovskites et en utilisant un alliage nickel fer comme catalyseur avec un rendement de 12,3% (J .Luo et al. «Water photolysis at 12, 3% efficiency via perovskite photovoltaics and earth-abundant catalysts », Science, vol. 345, p.1593, 26 September 2014, www.sciencemag.org).
Les filières solaires n’ont probablement pas dit leur dernier mot et s’il faut accueillir avec prudence les « prévisions » optimistes de l’AIE sur leur avenir, supposé « radieux », il faut certainement améliorer leurs performances et leur rentabilité qui n’est pas acquise en misant sur des voies nouvelles via la recherche. Rappelons à ce propos que le projet de loi sur la « Transition énergétique », en débat actuellement en France, s’il accorde une large place aux énergies renouvelables dans le mix électrique (cf. le forum dans Futuribles, « La loi sur la transition énergétique en débat », www.futuribles.com/fr/forum-transition-energetique) est peu prolixe sur ces questions de recherche et on doit le regretter.