Les métaux point critique pour l’énergie

Image00021.png

Le
fonctionnement et les performances de nombreux systèmes énergétiques dépendent
fortement de l’utilisation de certains métaux, en particulier les batteries (le
sodium par exemple). Certains de ces métaux sont considérés parfois comme
« critiques » car ils sont rares et donc coûteux (le platine
notamment) ou parce que l’on peut redouter que les ressources minières soient
insuffisantes à l’avenir. Un coup de projecteur sur cette question importante est donc
utile.

Plusieurs rapports de prospective ont été consacrés ces dernières années aux perspectives d’utilisation de certains métaux notamment dans le secteur de l’énergie et nous y avions fait référence dans certains de nos blogs (cf. par exemple, Department of energy, USA, Critical materials strategy, 2010, www.doe.gouv  . Plus récemment, un rapport du JRC (Joint Research Center de l’UE) a repris la question (Critical metals in strategic energy technologies, http://setis.ec.europa.eu/newsroom/library/setisd-presentaions/irc-report-on-critical-metals-in-strategic-energy-technologies, ec.europa.eu/dgs/jrc

Le développement de la plupart des filières énergétiques, en particulier celui des énergies renouvelables, requiert une bonne capacité d’accès à des métaux pour construire des équipements (par exemple des cellules solaires photovoltaïques). On a d’ailleurs assisté depuis quelques années à une forte croissance de la demande de certains métaux qualifiés de « critiques » ou de « stratégiques » (les terres rares notamment qui sont un ensemble de 15 métaux constituant la famille des lanthanides auxquels s’ajoutent l’yttrium et le scandium) car ils sont indispensables à la mise en oeuvre de stratégies énergétiques. Le rapport du JRC identifiait ainsi 14 métaux « critiques » pour lesquels le développement des filières nécessitera de faire appel à plus de 1% de la production mondiale sur la période 2020-2030. Parmi ceux-ci on trouve le tellure, l’indium et le gallium (utilisés dans des cellules photovoltaïques), ainsi que le dysprosium. Après une analyse plus détaillée des « risques » encourus (forte croissance de la demande, risques géopolitiques, etc.), il aboutissait à une « short lit » de cinq métaux à « haut risque » ; l’Europe risquerait de se trouver face à une pénurie si elle ne prenait aucune mesure pour assurer ses approvisionnements. Deux de ces métaux sont des terres rares, le dysprosium et le néodyme (utilisés pour fabriquer des aimants permanents d’éoliennes et de moteurs électriques de voitures à travers un alliage de néodyme avec le fer et le bore car il est léger, la voiture hybride Prius en contient 1 kg) et les trois autres sont utilisés pour la fabrication de cellules solaires et sont des sous-produits de la production d’autres métaux : l’indium (provenant de la métallurgie du zinc), le gallium provenant de l’alumine, le tellure (un métalloïde sous-produit du raffinage du cuivre). Le néodyme et le dysprosium (qui peut être substitué au néodyme dans les aimants) figurent aussi sur la liste du PIRPAME aux côtés du lithium utilisé désormais dans les batteries de plusieurs modèles de voitures électriques à raison de 150 à 300 grammes de lithium par kWh d’énergie stockée (pour une autonomie du véhicule de 20 kWh considérée comme un minimum cela représente une masse de 3 à 6 kg de lithium selon le type de batterie). Le cérium, une terre rare, et le cobalt sont des métaux clés pour les électrodes des batteries des voitures électriques.

S’il ne semble pas y avoir de menace de pénurie pour le lithium à horizon de dix ans car il en existe des ressources abondantes dans d’anciens lacs salés d’Amérique du Sud (Chili et Bolivie notamment) à moins d’un développement rapide des voitures électriques équipées de batteries au lithium, la plupart des rapports de prospective soulignent, en revanche, que la situation est plus tendue pour les deux terres rares (néodyme et dysprosium) dont la Chine détient un quasi-monopole (elle en assure près de 95% de la production mondiale avec des quotas à l’exportation) ; on ne peut exclure une pénurie pour le dysprosium au-delà de 2016 si les véhicules électriques se développaient, notamment les hybrides. Le platine et le palladium, des métaux rares et coûteux, sont des catalyseurs qui sont utilisés dans les pots catalytiques des véhicules, le platine l’est également dans les piles à combustible pour véhicules électriques (on peut le substituer par palladium) dont l’Afrique du Sud assure les deux tiers de la production mondiale. Les réserves de platine semblent capables de répondre aux besoins pour quelques dizaines d’années (l’approvisionnement est tributaire de la situation dans les mines sud-africaines) mais les risques d’un déficit en palladium vers 2019-2022 ne sont pas exclus. Si les piles à combustible utilisant le platine se développaient alors les risques de pénurie seraient sérieux, un effort de R&D est indispensable pour diminuer les quantités de ces métaux utilisées ou lui trouver des substituts. On doit souligner que l’UE est dépourvue de minerais pour ces matériaux sur son territoire de matériaux, hormis pour le tellure, mais elle dispose de compétences en R&D dans ce secteurs (notamment une filiale de l’ex-Rhodia pour les terres rares).

On s’aperçoit avec retard que l’énergie n’est pas uniquement une question de combustibles (du pétrole, du charbon, du gaz et de l’uranium) ou de vent et de soleil mais que des métaux jouent un rôle stratégique dans le développement de certaines filières (les voitures électriques notamment). Il faut donc s’assurer l’accès à des ressources qui ne sont d’ailleurs pas inépuisables. Ces rapports de prospective d’inégale portée montrent bien l’intérêt que l’on commence à porter en Europe sur ces questions alors qu’en Chine, aux Etats-Unis et au Japon leur importance est reconnue de longue date. La France tarde à prendre conscience de l’importance de cet enjeu pour sa politique énergétique, force est de constater d’ailleurs qu’à l’exception sans doute de l’uranium et du nickel, elle n’a plus véritablement de stratégie minière.


Publié

dans

par

Étiquettes :