Les énergies renouvelables : une transition longue

stirling_solaire.jpgLes énergies renouvelables sont considérées comme le vecteur de la transition énergétique car elles doivent permettre de remplacer des énergies carbonées par des filières émettant peu de gaz à effet de serre et notamment de CO2. Leur montée en puissance, si elle est indéniable, est encore trop lente pour que l’on puisse penser qu’elles vont rapidement permettre de ralentir le réchauffement climatique. Il est utile de faire le point sur les évolutions récentes.

De nombreux scénarios énergétiques partent de l’hypothèse qu’il est possible de limiter à 2°C l’augmentation de la température de l’atmosphère (entre le début de l’âge industriel et la fin du siècle), c’est le cas notamment du scénario volontariste de l’Agence Internationale de l’Energie dit 450 (limitation à 450 ppm en équivalent CO2 de la concentration en gaz à effet de serre de l’atmosphère) qui conduirait à faire passer de 80% à 63% la part des énergies non-carbonées dans le mix énergétique primaire mondial. Le laboratoire EDDEN à Grenoble (Economie du Développement Durable et de l’Energie, CNRS et Université PMF), estime que cet objectif pourrait être atteint avec un mix énergétique mondial constitué en 2050 par 49% d’énergies fossiles, 19% de nucléaire, 19 % de biomasse et 13% d’énergies renouvelables (hydrauliques, éolien et solaire). La « décarbonisation » de l’énergie est donc l’objectif central de la transition énergétique, il reste à savoir quelle pourraient être les places respectives des énergies renouvelables et du nucléaire.
On doit s’interroger aussi sur les progrès accomplis sur la voie de cette décarbonisation.



Si l’on en croit un constat récent de l’AIE (Tracking clean energy progress, Paris, avril 2013,
www.iea.org ) ils sont très lents. A l’aide d’un nouvel indicateur, l’Intensité carbone pour la production d’énergie (il mesure le nombre de tonnes de CO2 émises pour la production d’une unité d’énergie), l’AIE montre que les émissions de CO2 ne baissent pas. Cet indicateur est, en effet, « plat » depuis quarante ans : entre 1975 et 1985 si la production d’énergie a fait moins appel au pétrole avec une montée en puissance du nucléaire et du gaz naturel l’indicateur n’a baissé que de 5 points et depuis lors il est resté stable, ne baissant que d’un point entre 1990 et 2010 (le niveau de l’indicateur était à 52,1 tonnes de CO2 par TJ – TeraJoules- en 2012).
On relève toutefois quelques signes encourageants. Ainsi, entre 2011 et 2012 la puissance photovoltaïque solaire installée a progressé de 42% (la progression du solaire à concentration a été faible, la photo représente une installation de ce type avec un moteur Stirling sur le site du CNRS à Font-Romeu,
www.promes.cnrs.fr ) et celle de l’éolien de 19% mais les investissements consacrés à l’ensemble des énergies renouvelables ont chuté de 11% (les énergies renouvelables ont assuré 19% de la production mondiale d’électricité en 2011). Si l’éolien terrestre semble bien parti, l’éolien off-shore démarre beaucoup plus lentement (avec des productions respectives de 1500 TWh et 12 TWh en 2011), les énergies marines restant encore marginales (1TWh de production d’électricité). Le secteur des transports donne, lui aussi, un bon signal avec la percée des véhicules hybrides : pour la première fois, plus d’un million de ces véhicules ont été vendus en 2012 (avec un leadership du Japon et des USA). En revanche, la production mondiale des biocarburants a stagné en 2012 (sans doute une conséquence de mauvaises conditions climatiques), celle des biocarburants « avancés » (la filière ligno-cellulosique) démarrant lentement aux Etats-Unis.
Ce bilan mondial assez gris s’explique facilement.



L’utilisation massive du charbon dans la production d’électricité pèse, en effet, encore fortement sur l’indicateur carbone : entre 2001 et 2010, la production mondiale d’électricité par des nouvelles centrales au charbon a représenté le double de celle produite par des nouvelles centrales utilisant des filières non-fossiles et si la Chine a fermé des centrales au charbon (une puissance installée de 85 GW) elle en a mis en service des nouvelles pour une puissance de 55 GW ; si son indicateur carbone a fortement progressé jusqu’en 2010 il commence à chuter. Les Etats-Unis, en revanche, remplacent le charbon par le gaz naturel (grâce à la « manne » du gaz de schiste) faisant ainsi baisser leur indicateur carbone mais ils l’exportent vers les pays européens qui, pour certains d’entre eux, l’Allemagne notamment, réactivent des centrales au charbon… L’AIE souligne que le système énergétique doit s’attaquer au problème physique central que constitue le mauvais rendement de toute la chaîne carbonée : 60% de l’énergie est perdue sous forme de chaleur dissipée dans toutes les transformations. Le solaire, l’éolien et l’hydraulique échappent à cette « malédiction » thermique (le nucléaire partiellement car les centrales subissent la contrainte du principe de Carnot !) et c’est pourquoi leur rôle est central dans la transition énergétique.



Si l’on veut limiter à 2°C le réchauffement climatique, l’indicateur carbone doit baisser de 5,7 % d’ici 2020 et de 43% d’ici 2035, selon l’AIE, il est donc indispensable d’amplifier les mesures d’économie d’énergie et de substitution des énergies carbonées par des énergies renouvelables et le nucléaire. On observe aussi que les efforts de R&D dans le domaine de l’énergie ne sont pas à la hauteur des enjeux : ils ne représentent que 4% en moyenne des investissements publics totaux pour la recherche (la part des renouvelables est fortement remontée ces dernières années, elle atteint 24% du total, et près de 5% pour celle des biocarburants). L’AIE recommande de les augmenter.
La montée en puissance des énergies renouvelables est indéniable mais elle est encore lente.



L’Union Européenne s’est fixé des objectifs ambitieux à l’horizon 2020 : un mix énergétique final avec 20% d’énergies renouvelables, leur part devant être de 10% dans les transports (elle semble sur la bonne voie puisqu’en 2010 la part des renouvelables dans l’énergie finale était de 12,7% (cf. Commission Européenne, Rapport sur les progrès accomplis dans le secteur des énergies renouvelables, Bruxelles, mars 2013). L’Allemagne vise un objectif encore plus ambitieux pour sa transition énergétique, l’Energiewende : elle sortira du nucléaire en 2022 et escompte produire 35 % de son électricité par des filières renouvelables en 2035 et 80% en 2050. C’est un pari important que certains estiment risqués en Allemagne même, notamment pour des raisons économiques (Q.Schiermeir « Germany’s energy gamble », Nature, vol. 496, p.156, 11 April 2013,
www.nature.com ). Le contexte économique difficile n’encourage pas les investissements dans les filières énergétiques nouvelles alors que la visibilité sur leur coût est souvent insuffisante. Le pari sur la décarbonisation de l’énergie ne peut être gagné qu’au prix d’un effort scientifique et technique important sur de nombreuses années, notamment à l’échelle de l’Europe. C’est une leçon qu’il faut retenir du récent rapport de l’AIE.


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