Compétition accrue dans les énergies renouvelables

stirling_solaire.jpgLa plupart des politiques énergétiques ont mis l’accent, ces dernières années, sur le développement des énergies renouvelables tant pour la production d’électricité que pour celle de carburants à partir de la biomasse. C’est en particulier le cas au Japon et en Allemagne, avant et après la « catastrophe » de Fukushima, mais la question a été aussi évoquée récemment en France à l’occasion des élections présidentielles. Il est donc utile de faire le point sur la situation internationale dans ce domaine, notamment celui de la production d’électricité solaire et éolienne.

Qui va gagner la course aux énergies renouvelables ? Tel est le titre d’un récent rapport (Pew charitable trust, Who’s winning the clean energy race?) qui fait le point des investissements réalisés en 2011 dans l’ensemble de secteurs des énergies propres ou renouvelables. L’an dernier ce sont 263 milliards de dollars qui ont été investis dans le monde, tous domaines confondus (éolien, solaire, énergies marines, biocarburants, etc.) ce qui représente une progression de 6,5% sur un an, 95 % de ces investissements ayant été réalisés par les pays du G 20. Une analyse pays par pays met en évidence la domination d’un trio : les Etats-Unis sont devenus le numéro 1 mondial en 2011, avec une très forte croissance de leurs investissements (42%) suivis par la Chine et l’Allemagne (l’Italie la suit de peu), la France ne venant qu’en douzième position. Si l’on examine le financement des différentes filières, toujours en 2011, on constate que c’est le solaire (photovoltaïque essentiellement) qui a emporté la palme des investissements dans le monde (128 milliards d’investissements avec une croissance de 44%) et notamment aux USA, en Allemagne, en Italie, au Japon mais aussi en France ; en revanche la Chine a donné la priorité à l’éolien. Les biocarburants ont bénéficié d’un soutien aux USA, en Chine, au Brésil et en Corée du sud. Sur la période 2006-2011 c’est l’Italie qui a connu la plus forte croissance de ses investissements (89%) suivie par l’Indonésie et la Chine. En 2011, la Chine bénéficiait d’une capacité de production d’énergie électrique renouvelable de 133 GW, devant les USA (93 GW) et l’Allemagne (61 GW).

La capacité mondiale totale de production d’électricité par les énergies renouvelables était de 565 GW en 2011 (239 GW d’éolien et 73 GW de solaire).
Si l’on s’intéresse plus particulièrement au solaire photovoltaïque (Eurobserver, Baromètre photovoltaïque, avril 2012, www.eurobserver-er.org/pdf/photovoltaic 2012), l’UE demeure la principale région d’installation de nouvelles infrastructures dans le monde (74% de la puissance nouvellement connectée) et sa situation met en évidence un net leadership de l’Allemagne et de l’Italie bien que la première ait diminué ses investissements dans le solaire en 2011, ayant fortement baissé ses tarifs préférentiels pour le rachat de l’électricité produite par des panneaux solaires ; elle est néanmoins le numéro un mondial pour la puissance électrique installée (24,6 GW au total, en majorité des petites installations domestiques). L’UE a produit 1, 4% de son électricité avec du solaire en 2011 soit 45 TWh (rappelons, pour fixer les idées, que la production annuelle totale d’énergie électrique par la France est d’environ 520 TWh). On observera, toutefois, que la production d’électricité éolienne est nettement plus importante en Europe (150 TWh en 2010).
Quant à la France, sa « fiche signalétique » pour les énergies renouvelables dédiées à la production d’électricité fait apparaître un investissement total de 5 milliards d’euros avec une forte croissance en 2011 (au cinquième rang des pays du G20) et avec une capacité installée connectée au réseau de 18 GW (hors grande hydraulique) avec un tiers d’éolien, 40% de petite hydraulique et une part de 15 % de solaire photovoltaïque (soit 2,8 GW fin 2011 au quatrième rang européen), en très nette progression depuis 2010 (un doublement de sa capacité).

La progression des investissements est un paramètre important mais elle ne donne pas une photographie toujours fidèle des compétences techniques dans les filières des grandes zones géographiques. Il est clair que les Etats-Unis veulent exercer un leadership technologique dans la plupart de secteurs des énergies renouvelables qui est encore loin de se traduire par un leadership industriel puisque, en 2011, la Chine était de loin le numéro mondial pour la production des cellules photovoltaïques (57% de la puissance produite), devant Taiwan (11%), le Japon et l’Allemagne (6,9 et 6,7% de la production mondiale). Dans le domaine de la R&D, le Japon était le numéro mondial pour les dépenses de R&D publiques consacrées à l’énergie en 2010 (tous domaines confondus soit 4 milliards de $), devant la France, l’Allemagne et les USA, et dans ses dépôts de brevets, il avait triplé sur la période 2007-2009, par rapport à 1997-1999, la part de ceux consacrés à l’énergie solaire. Il apparaît que près de 45% des dépenses publiques de R&D des pays membres de l’Agence internationale de l’énergie étaient consacrées à l’énergie solaire en 2010 avec une nette priorité au solaire photovoltaïque au détriment du solaire à concentration (IEA, Tracking clean energy progress, www.iea.org/papers/2012/traccking-clean-energy-progress ) et 25% aux techniques éoliennes. On observera toutefois qu’en dépit des déclarations officielles, les dépenses de recherche consacrées à l’énergie n’augmentent que lentement, même si elles ont bénéficié des plans de relance économique en 2008-2009 : elles ne représentaient pour l’ensemble des pays de l’AIE que 8% des dépenses publiques totales de R&D en 2010. Quant à la Chine, elle annonce aussi sa volonté de développer sa recherche dans les énergies renouvelables. On rappellera, enfin, que tant en Allemagne qu’aux USA, l’année 2011 a été marquée par le dépôt de bilan d’entreprises du secteur solaire (la dernière en date étant Q-Cells en Allemagne en avril dernier) et qu’en France Photowatt traverse une passe difficile.

La catastrophe nucléaire de Fukushima, en mars 2011, est un choc dont il faut également tenir compte dans la mesure où elle va amener certains pays à accentuer la priorité donnée aux énergies renouvelables. C’est le cas du Japon mais aussi de l’Allemagne qui a pris la décision de sortir, en 2022, du nucléaire qui assurait le quart de sa production électrique. Elle a alors redéfini, par voie législative, les bases de sa politique énergétique : – un arrêt immédiat en mars 2011 de huit réacteurs – une mise hors service progressive des neuf réacteurs restants entre 2015 et 2022 – une production de 35 % de son électricité en 2020 (80 % en 2050) par des filières d’énergies renouvelables (éolien et solaire essentiellement) avec des tarifs d’achat garantis – une compensation des capacités manquantes par des centrales thermiques (fonctionnant notamment au charbon et avec la lignite (M.Cruciani, Evolution de la situation énergétique allemande, Ifri , mars 2012). L’objectif de l’Allemagne est clairement de voir son industrie prendre pied sur les marchés des technologies des énergies renouvelables.

La compétition scientifique, technologique et industrielle internationale est encore largement ouverte dans tous les secteurs des énergies renouvelables (essentiellement le solaire, l’éolien et les biocarburants) mais on voit se détacher à l’horizon 2020 un quatuor de tête avec les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne et la Chine qui investissent à la fois dans les nouvelles infrastructures de production et la R&D. La France a certainement des atouts scientifiques et techniques mais elle n’est pas encore parvenue à les valoriser au plan industriel, faute d’un tissu industriel dynamique mais aussi d’une cohérence politique pour soutenir les nouvelles filières. Les évolutions internatioanles en cours appellent un aggiornamento de politique énergétique française.


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