Les batteries pour les énergies renouvelables: une percée japonaise?

Image00019.pngLe stockage de l’électricité est un verrou technique qu’il faut faire sauter pour développer les véhicules électriques (hybrides ou totalement électriques) et, plus généralement, les énergies renouvelables qui sont le plus souvent intermittentes (le solaire et l’éolien par exemple). La production de batteries performantes est un impératif industriel important pour l’industrie automobile comme le montrent les lenteurs dans la mise sur le marché de nouveaux modèles. Les techniques mises en jeu sont en fait très diverses et une percée scientifique japonaise récente montre que des progrès sont encore possibles dans ce domaine.

Le problème du stockage de l’électricité se pose pour les réseaux classiques (centrales hydroélectriques, thermiques et nucléaires), les systèmes de production d’électricité à partir d’énergie renouvelable (éolien et solaire) et, bien sûr, les véhicules électriques. Le mode de stockage de l’électricité le plus simple, et le plus ancien, est d’utiliser des barrages hydroélectriques que l’on fait fonctionner dans les deux sens : lorsque les centrales d’un réseau produisent du courant qui n’est pas utilisé (pendant la nuit par exemple), il est possible de pomper de l’eau pour la déverser dans un réservoir de barrage pour ensuite faire fonctionner des turbines avec l’eau stockée dans le lac du barrage. Le rendement de l’opération est en général de 70 à 85% .Beaucoup de pays utilisent cette méthode, la France notamment (avec l’usine hydroélectrique de Grand Maison dans l’Isère d’un puissance de 180 MW), le Danemark, dont 20 % de l’électricité est d’origine éolienne, met à contribution des barrages d’usines hydroélectriques norvégiennes pour stocker une partie de son électricité éolienne que lui restitue la Norvège pour les heures de pointe. Tout ne peut pas être stocké dans les montagnes (encore faut-il avoir des montagnes !) et l’on envisage ainsi de stocker l’énergie de fermes éoliennes off-shore en construisant des îles artificielles au large des côtes où une digue protégerait un réservoir qui serait alimenté par de l’eau pompée qui stockerait temporairement la production d’électricité d’éoliennes (l’électricité alimentant les pompes). Cette solution  "à la Jules Verne" poserait autant de problèmes qu’elle n’est sensée en résoudre (il faudrait protéger des installations avec des turbines alimentées en eau de mer, et affronter une montée du niveau de la mer provoquée par le réchauffement climatique). Une autre possibilité, déjà testée en Allemagne près de Hambourg consisterait à stocker l’énergie électrique sous forme d’air comprimé dans un réservoir souterrain. Les experts estiment à 80% le rendement d’un tel mode de stockage serait de 80 % (20% de l’énergie est perdue).

Le stockage de l’électricité dans des batteries (la mise « en boîte de l’électricité »), est un problème difficile auquel nous avons consacré plusieurs brèves à cette question et auquel il faut apporter une réponse technique satisfaisante si l’on veut développer les voitures électriques (un stockage permettant grande autonomie pour un véhicule, les batteries actuelles ne donnant qu’une autonomie de l’ordre de 60 à 100 km). Les batteries au lithium sont aujourd’hui les plus performantes (notamment, lithium-ion, avec une capacité de stockage de quatre à cinq fois celle des batteries au plomb) et elles vont se développer avec de nouveaux modèles. Le salon de l’automobile qui vient de se tenir à Francfort l’a remis à l’actualité. Les grands constructeurs automobiles allemands ont prévu, en effet, de lancer de nouveaux modèles à motorisation électrique : – BMW avec une voiture partiellement en fibres de carbone (20% plus légère) et 100% électrique (batterie lithium-ion), il en va de même d’Audi – Mercedes quant à elle miserait sur une solution mixte pour sa voiture électrique : pile à combustible et batterie au lithium. Renault annonce la commercialisation d’une voiture tout-électrique la Fluence (fin 2011 ou début 2012) avec une batterie au lithium avec une capacité de stockage de 22 kWh (donnant une autonomie de 160 km). La batterie pour un véhicule électrique doit sortir d’un véritable « triangle des Bermudes » : – la fiabilité du système (assurer de très nombreux cycles de charge-décharge, ne pas présenter de danger, l’incendie par exemple) – l’autonomie permettant des parcours importants – le coût. On estime, aujourd’hui que le coût des batteries du type lithium-ion est au minimum de 700 € par kWh ce qui est très élevé (de l’ordre de 15 000 € pour un véhicule comme la Fluence ce qui conduira sans doute Renault à proposer une formule de location de la batterie). Autonomie et fiabilité sont dans une certaine mesure liées car les solutions techniques qui seront trouvées devront répondre à ces critères. La batterie lithium-ion mise au point par Sony pour les portables a connu quelques déboires à ses débuts (incendies, les électrodes contenant du carbone) mais la technique est bien maîtrisée, les capacités de stockage (exprimées en kWh/kg) ayant doublé en quinze ans.

Les constructeurs automobiles estiment qu’il est indispensable de disposer d’une densité de stockage minimum de 200 Wh/kg pour qu’une batterie "tienne la route" (afin de diminuer le poids embarqué). C’est le cas de la batterie lithium-ion. Les comparaisons des performances potentielles (densité de stockage) des différents systèmes de batteries mettent en évidence que celles d’un pack de batteries opérationnelle (assemblage de plusieurs cellules) sont très inférieures à celles des cellules individuelles (une « pile » avec ses deux électrodes et un électrolyte). Pour la batterie lithium –ion l’autonomie d’un pack est ainsi inférieure de moitié à celle d’une cellule individuelle. Les meilleures performances envisagées sont celles des batteries lithium-air (environ 4000 Wh/kg) et aluminium-air (3000 Wh/kg) mais qui sont malheureusement loin d’être au point (cf. R.F.Service, « Getting there », Science, vol 332, p. 1496, 24 June 2011). Les recherches portent à la fois sur les électrodes et l’électrolyte. Celui-ci doit laisser transiter les ions (ceux de lithium par exemple) lors des opérations de charge et décharge d’une batterie. S’agissant des électrodes on cherche un allégement du poids mais aussi des capacités de stockage avec des matériaux de petite dimension (des nanomatériaux ou des composites). L’électrolyte quant à lui doit permettre une circulation rapide des charges électriques (les ions lithium notamment). La batterie lithium-ion travaillant avec un voltage relativement élevé (4 volts) il est difficile d’utiliser des électrolytes aqueux qui risquent de se décomposer, d’où le choix de solutions contenant des sels de lithium (des fluorures et borures notamment) dans des solvants organiques complexes qui sont des mélanges de carbonates éthyliques. Ces électrolytes ne sont pas sans inconvénients pour les fortes densités de courant qui peuvent être nécessaires dans les véhicules électriques ou des unités fixes de stockage, ils pourraient réagir avec les électrodes, se décomposer et produire des dégagements de chaleur intempestifs.

 Des travaux récents d’équipes japonaises de l’Institut de technologie de Tokyo, de l’Institut des matériaux de Tsukuba et de Toyota montrent que des progrès sont possibles sur les électrolytes (N.Kamaya et al. « A lithium superionic conductor », Nature Materials, vol. 10, p. 682, September 2011, C.Masquelier « Lithium ions on the fast track », Nature Materials, vol. 10, p. 649, September 2011). La percée japonaise consiste à utiliser un électrolyte solide, en l’occurrence un conducteur superionique (comme son nom l’indique il facilite le passage des ions) de composition complexe (un composé de lithium, de germanium, de soufre et de phosphore). Ce matériau solide tridimensionnel totalement nouveau et qu’ils ont synthétisé, est cristallisé. Pendant la charge de la batterie les ions lithium circulent entre l’électrode positive (un oxyde de cobalt et de lithium) et l’électrode négative qui est constituée d’indium. Les ions peuvent se déplacer rapidement entre les tétraèdres de sulfure de lithium partiellement occupés par le lithium et par les interstices entre ces structures cristallines. La conductivité de ces électrolytes est relativement élevée à température ambiante, elle est nettement supérieure à celle de tous les autres électrolytes solides et légèrement supérieure à celle des électrolytes liquides. Les Japonais ont montré que les batteries sont stables et peuvent subir de nombreux cycles de charge et décharge. L’avantage des électrolytes solides est leur meilleure stabilité et leur plus grande compacité. Les travaux japonais avec des résultats très encourageants, laissent entrevoir une relance des recherches sur les électrolytes solides notamment les céramiques. Les batteries au polysulfure de sodium, utilisant de l’alumine comme électrolyte avaient déjà représentées une percée significative. Elles ont une densité de stockage élevée (environ 500 Wh/kg en théorie) mais fonctionnant à température élevée (300 ° C). Le Japon a construit des installations avec une capacité de stockage de 300 MW sur ce principe qu’il mobilise pour pallier les insuffisances de sa production électrique après l’accident de Fukushima. En France une installation de ce type a été inaugurée par EDF à la Réunion en 2010 (elle peur restituer 1 MW pendant quelques heures).

L’amélioration des performances des systèmes de stockage des batteries suppose la mise en eouvre d’une ingénierie complexe avec des recherches sur la physico-chimie de leurs constituants comme le montre la percée japonaise. Les recherches dans ces domaines ont été longtemps négligées dans la plupart des pays (notamment en France) et les constructeurs automobiles payent, aujourd’hui, le prix de ces négligences. La construction et la production de batteries performantes est un impératif industriel important pour l’industrie automobile, c’est un domaine où le Japon et la Corée du sud ont pris un net avantage, notamment grâce à leur R&D, qu’ils valoriseront s’ils accordent, ce qui est probable, une priorité aux énergies renouvelables.


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