Les débats sur l’avenir énergétique de la planète vont retrouver une actualité à l’occasion de la conférence mondiale sur le climat organisée par l’ONU à Cancun, au Mexique, à la fin du mois de novembre. La Chine, désormais le premier consommateur d’énergie primaire de la planète, se trouve au premier dans ce débat dans la mesure où un accord sur la lutte contre le réchauffement climatique n’aurait pas grand sens si elle n’y adhérait pas. Le futur plan quinquennal de la Chine (2011-2015) reconnaît d’ailleurs l’importance de l’enjeu énergétique pour le développement du pays et il est opportun d’examiner les perspectives énergétiques chinoises à la veille de l’ouverture de la conférence de Cancun.
La Chine est devenue, en 2009, tout à la fois le premier consommateur mondial d’énergie primaire (une consommation de 2,2 Gtep) devançant tout juste les USA (2,18 Gtep) et le plus grand émetteur mondial de gaz à effet de serre. Il est clair que le développement économique de la Chine, à un rythme annuel de près de 10%, fera nécessairement appel massivement à de l’énergie, en particulier à l’électricité ; l’AIE prévoyait ainsi dans son « scénario de référence » un doublement de la consommation d’énergie de la Chine sur la période 2007-2030 (avec un doublement de la production d’électricité). A l’occasion des discussions qui se sont tenues à Tianjin, un grand port chinois près de Pékin, lors d’une réunion préparatoire à la conférence de l’ONU sur le climat qui s’ouvrira à Cancun fin novembre (peu de progrès y ont été enregistrés sur la voie d’un accord international pour un protocole post-Kyoto) la question des émissions de gaz à effet de serre par des grands pays tels que la Chine et les USA a été largement débattue. La Chine souligne, en particulier, que son futur plan quinquennal, le douzième, couvrant la période 2011-2015, a prévu un effort très important de diminution de l’intensité énergétique de son économie (c’est-à-dire l’énergie consommée pour produire une unité supplémentaire de PIB) : le niveau de son intensité énergétique ne représenterait plus, en 2020, que 40 à 45% de celui de 2005 …mais bien sûr son PIB croîtrait très fortement sur la même période. La Chine annonce d’ailleurs qu’à la fin de cette année son intensité énergétique aura diminué de 20% par rapport à son niveau de 2005 (cf. R.Stone, "Climate talks still in impasse, China buffs its green reputation" , Science, vol. 330, p.305, 15 October 2010, www.sciencemag.org ).
Pour la Chine, comme pour tous les pays, la question clé est celle du « mix » énergétique, ou autrement dit, celle de part des différentes ressources énergétiques dans l’énergie primaire étant entendu qu’un objectif de limitation du réchauffement climatique requiert une diminution très forte de la part des combustibles dans l’énergie primaire (elle est de 80% au plan mondial). Pour la Chine la part des combustibles fossiles dans le mix énergétique est de près de 91% avec une part du charbon proche, en 2009, de 70%. Or le charbon, on le sait, participe davantage à l’augmentation de serre que les autres combustibles fossiles à calories égales dégagées (contrairement au pétrole et surtout au gaz naturel, il est très pauvre en hydrogène). L’objectif du nouveau plan quinquennal est de faire passer à 11% la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique primaire à l’horizon 2015 et à 15% en 2020, et de faire passer celle du charbon à 62% à l’horizon 2020. Ces objectifs supposent un effort de diversification des filières énergétiques quand on sait que de nombreux chantiers de construction de centrales électriques au charbon ont été lancés ces dernières années, à l’avenir ces construction seront limitées à l’est de la Chine (autour de la mer de Bohai, des deltas du Yangtsé et de la rivière des perles). Sept priorités énergétiques ont été définies pour le XII plan quinquennal (cf. http://french.china.org.cn/china/txt/2010-11 ) au nombre desquelles figurent : – l’optimisation du développement des énergies fossiles – l’accélération du développement des énergies non-fossiles dont l’électricité hydraulique, nucléaire, éolienne et solaire – l’intensification des économies d’énergie – la construction renforcée de réseaux d’acheminement (son réseau électrique est totalement déséquilibré les centres de production étant éloignés des centres de consommation qui sont à l’est et sur les côtes) – un effort d’innovation technologique.
La production d’électricité est un problème majeur pour la Chine puisqu’elle assurée aujourd’hui à 80 % par du charbon et dans la mesure où elle prévoit de diminuer la part du charbon dans son mix énergétique. Le souhait de la Chine, affirmé lors de la conférence de Tianjin, de diminuer son intensité énergétique ainsi que ses émissions de CO2 afin de lutter contre le réchauffement climatique conduit celle-ci à accorder une forte priorité au nucléaire et dans une certaine mesure aux énergies renouvelables. S’agissant du nucléaire la Chine est dotée aujourd’hui de 11 réacteurs nucléaires avec une puissance installée de 11GW, elle compte porter cette puissance à 40 GW en 2020 avec 40 réacteurs (certains experts parlent d’une perspective de 75 à 80 GW à plus long terme). La visite officielle en France du président chinois Hu Jintao a été d’ailleurs l’occasion de la signature d’un contrat pour la fourniture d’uranium par Areva et avec la perspective de construction de plusieurs réacteurs nucléaires (sans doute deux EPR). L’autre volet de la politique énergétique chinoise est le développement des énergies renouvelables, un secteur où, selon la fondation américaine Pew Charitable Trusts elle aurait investi près de 35 milliards de $ en 2009 et compterait investir dix fois cette somme dans les énergies alternatives pendant la prochaine décennie. La Chine fait ainsi un effort considérable d’équipement en énergie éolienne (elle double presque sa puissance installée chaque année (elle dépassera l’Allemagne et les USA en 2011) et elle est devenue le leader mondial de la production de panneaux solaires.
Il reste à savoir si les efforts de la Chine suffiront à limiter la progression de sa facture énergétique et surtout à plafonner ses émissions de gaz à effet de serre à un horizon plus ou moins proche, les scénarios les plus optimistes n’imaginent pas qu’elle puisse y parvenir avant deux décennies. Il est vrai que si l’on en croit la société chinoise qui gère le réseau électrique chinois, la State Grid corporation of China, les mesures prises pour la production et la distribution d’électricité devraient permettre de diminuer de 1,6 milliard de tonnes par an ses émissions de CO2 en 2020 (avec un niveau actuel de 6 milliards de tonnes).
La Chine entreprend un vaste effort de diversification de ses filières énergétiques en faisant le choix de limiter l’utilisation des combustibles fossiles, en particulier celle du charbon, et de développer à la fois le nucléaire et les énergies renouvelables. Ces choix sont fondés sur des considérations de politique économique mais aussi sur la volonté de montrer à la communauté internationale qu’elle prend aux sérieux la lutte contre le réchauffement climatique. Cette position internationale est apparue clairement lors de la conférence de Tianjin à l’occasion de laquelle les USA et la Chine se sont opposés sur ce sujet. Il est vrai que depuis lors, les résultats des récentes élections américaines ne peuvent que pousser au pessimisme sur la possibilité pour le gouvernement américain de légiférer dans le domaine climatique. L’effort chinois se traduit aussi par une politique industrielle d’investissement dans les énergies renouvelables (y compris dans le secteur des véhicules électriques), des secteurs où les efforts européens et français sont insuffisants. Il sera nécessaire de suivre avec vigilance les développements de la politique énergétique chinoise dans les toutes prochaines années.