L’énergie solaire et ses matériaux: des progrès lents mais réels

Image00044.jpgL’électricité photovoltaïque d’origine solaire connaît un regain d’intérêt certain dans de nombreux pays depuis quatre ou cinq ans. Même si les coûts de production des cellules sont encore élevés, la possibilité de mettre au point des nouveaux matériaux plus performants pour les cellules solaires est une hypothèse sérieuse. Peu de progrès techniques réellement décisifs ont certes été enregistrés récemment dans ce domaine mais plusieurs pistes nouvelles sont explorées par les laboratoires de recherche et il est donc utile de faire le point sur quelques avancés qui sont encourageantes.

Comme le montrent les statistiques du développement des capacités de production d’électricité à partir des énergies renouvelables (essentiellement l’éolien et le solaire), l’énergie solaire connaît depuis trois ans une accélération très nette des investissements en sa faveur (cf. notre brève de l’an dernier et www.epia.org) dans la plupart des pays et la Chine a pris le leadership mondial de la production des panneaux photovoltaïques. Après un sérieux coup d’arrêt des investissements, en 2009, dû à la crise, la filière photovoltaïque semble pour l’heure la plus compétitive (elle met en œuvre des panneaux solaires le plus souvent au silicium) et redémarrer en 2010, il existerait une puissance installée d’environ 10 GW dans le monde (en France, en 2009, une puissance de 150 MW de panneaux aurait été installée). Face à un emballement du marché alimenté sans doute par une demande spéculative, notamment en France, plusieurs pays européens, l’Allemagne, l’Espagne, et la France début janvier 2010, ont décidé une révision à la baisse des mesures particulièrement favorables pour soutenir la filière solaire en rachetant l’électricité produite à un tarif très avantageux, notamment pour les particuliers qui équipent leurs maisons de panneaux solaires (à un coût qui correspond à 4 ou 5 fois celui de la production à partir du thermique ou de l’hydraulique).

La filière solaire est loin d’avoir résolu tous ses problèmes de « jeunesse » avons-nous souligné à plusieurs reprises : – les coûts de fabrication des panneaux solaires demeurent élevés mais la quantité de silicium dans les cellules a été divisée par près d’un facteur trois depuis 2000 et il faudrait encore les réduire d’un facteur de 2 à 5 (l’épaisseur des films de silicium conventionnelles constituant les cellules est de l’ordre de 200 à 300 microns) – les rendements des cellules peinent à augmenter en dépit de réels progrès (ils plafonnent à 20% pour les cellules au silicium) – les centrales solaires à concentration (l’énergie solaire est concentré par un jeu de miroirs sur une tour où elle va vaporiser un liquide alimentant une turbine électrique) doivent encore faire leurs preuves .

Comme nous avons eu l’occasion de le souligner dans plusieurs brèves, les recherches sur les matériaux des cellules et leurs modes d’interaction avec la lumière constituent deux points clés pour la recherche sur l’électricité photovoltaïque. La mise au point de cellules fabriquées avec par un laboratoire de l’EPFL (Ecole Polytechnique) à Lausanne de matériaux organiques pour les cellules a constitué un progrès intéressant mais leur rendement demeure encore faible. La mise au point des micro-cellules dotées de lentilles permettant de concentrer la lumière solaire et dont nous avons rendu compte est une autre démarche. Les panneaux solaires ont été construits avec des modules de cellules carrées de 600 microns de côté. Chaque cellule est constituée de trois couches minces de semi-conducteurs à base d’arséniure de gallium qui vont absorber chacune une longueur d’onde différente du rayonnement solaire. Chaque cellule est surmontée d’une petite lentille en forme de bille qui concentre la lumière solaire (environ mille fois) en la répartissant toutefois à l’intérieur pour éviter un trop fort échauffement local. Une nouvelle technique de construction des cellules consiste à utiliser non pas des films d’un semi-conducteur, le silicium en l’occurrence, mais un réseau de microfils de silicium qui permet de diminuer la quantité de matériau utilisée. Un laboratoire du Caltech, à Pasadena aux USA, vient ainsi de publier des résultats intéressants dans ce domaine (M.D.Kelzenberg et al. « Enhanced absorption and carrier collection in Si wire arrays for photovoltaic applications », Nature materials, Vol. 9, p. 239, March 2010). La principale difficulté à laquelle on se heurte avec un film de silicium (ou de tout autre matériau) est que la lumière qui y pénètre est en partie réfléchie ou diffusée par les atomes du semi-conducteur ou les structures qui lui confèrent une résistance mécanique ce qui ipso facto diminue le rendement. En utilisant un réseau de fils de silicium d’un diamètre de 1 micron et d’une longueur d’environ 100 microns pour constituer la cellule, celle-ci est capable de transformer près de 89% de la lumière en électricité (seuls les photons, les petites particules de lumière, dont la longueur d’onde est adaptée au silicium sont absorbés). Les fils de silicium sont insérés dans une matière plastique transparente au sein de laquelle on été insérées des petites billes d’oxyde d’aluminium (de dimension nanométrique) qui diffusent la lumière vers les fils augmentant ainsi leur capacité d’absorber le rayonnement solaire incident (on a, toutes proportions gardées, un phénomène analogue dans une forêt de grands arbres où toute la lumière du jour est absorbée alors que la forêt n’est pas un tas de bois…). Ainsi constituée, la cellule a le même rendement qu’une cellule classique (un film de silicium) mais en utilisant que 2% de silicium (le reste du matériau est un polymère c’est-à-dire du plastique). Les fils ont l’avantage de mieux collecter la lumière diffusée et la propriété de permettre une circulation des électrons arrachés au silicium à leur surface et qui peuvent être captés plus facilement. Cette nouvelle technique a le grand avantage de permettre de fabriquer plus de cellules solaires avec moins de matériau (J.Zhu and Yi Cui « More solar cells for less », Nature materials, Vol.9 p.183, March 2010, www.nature.com ) et si elle peut être industrialisée elle devrait faire chuter les coût de production.

Une autre stratégie plus classique et que nous avons souvent évoquée consiste à utiliser d’autres matériaux que le silicium ce qui aurait l’avantage de permettre de capturer une plus large fraction du spectre de la lumière solaire (un matériau semi-conducteur n’absorbe que la lumière dont l’énergie est suffisante pour arracher les électrons attachés à ses atomes et les expédier dans la masse les transformant ainsi en électrons de conduction capables d’alimenter un courant électrique, l’énergie qui est en excès est transformée en chaleur). Des progrès ont été enregistrés récemment avec des composés qui sont des nitrures (de gallium, d’indium et d’aluminium) et qui permettent de constituer sur mesure des cellules solaires absorbant une plus large fraction du spectre solaire que le silicium. Un couplage de ces deux types de matériaux, silicium et nitrures, pourrait éventuellement faire passer à 50% le rendement des cellules (R.F.Service, « Nitrides race beyond the light », Science, Vol. 327, p. 1598, 26 March 2010, www.sciencemag.org ). Des perspectives intéressantes avaient déjà été ouvertes avec l’arseniure de gallium et des composés à base de cadmium et de tellure.

Enfin, une autre voie, totalement différente celle-là, commence à être explorée pour les cellules solaires elle consiste à utiliser des « plasmons ». Ces plasmons sont des oscillations collectives des électrons dans un matériau sous l’effet d’une onde électromagnétique, d’un rayonnement lumineux par exemple, ils peuvent alors canaliser la lumière vers des zones sensibles (un semi-conducteur par exemple) où elle peut être plus facilement absorbée. En utilisant cet effet plasmonique on augmenterait ainsi ipso facto le rendement d’une cellule (H.A.Atwater and A.Polmar, « Plasmonics for improved photovoltaics devices, Nature Materials, Vol . 9, p. 205, March 2010). Autrement dit on améliorerait avec cette technique le piégeage de la lumière. Pour ce faire on utilise des nanoparticules métalliques immergées dans du silicium ou un autre semi-conducteur (par exemple des particules d’or ou d’argent de 10 nanomètres de diamètre), celles-ci jouant en quelque sorte le rôle de petites antennes qui captent la lumière et la rayonnent dans le matériau. Des expériences ont été réalisées avec des cellules solaires organiques sensibilisées avec des colorants et dopées avec des particules métalliques, leur rendement électrique a été multiplié par un facteur de 1,7. Ce système de concentration devrait être appliqué aux cellules conventionnelles en silicium et il sera intéressant de tester leur performance.

Les matériaux, on le constate encore une fois, jouent un rôle clé dans la technologie du solaire photovoltaïque et il est probable que dans les dix années à venir des progrès substantiels seront obtenus tant dans le domaine des coûts de fabrication que dans celui des rendements des cellules. Avoir du soleil est évidemment une condition nécessaire pour utiliser toutes les techniques solaires et les pays africains qui sont en général bien lotis fondent de grands espoirs sur la filière solaire (le photovoltaïque et éventuellement les centrales à concentration), la carte mondiale de l’ensoleillement montre, en effet, que les conditions sont très favorables, en particulier au centre de l’Afrique (le Sahara) et sur une large zone qui comprend le Sahel, le sud du Sahel (elle couvre aussi tout le nord de la Côte d’Ivoire, les pays voisins et l’Afrique du Sud). Le soleil ne suffit pas il faut aussi le « gérer » c’est-à-dire trouver des structures adaptées au plan local (un village par exemple) qui permettent de construire des infrastructures et d’assurer leur maintenance et la distribution du courant électrique. C’est dire toute l’importance des modes de gouvernance des politiques publiques (à Abidjan en Côte d’Ivoire le Centre de Recherche et d’Action pour la Paix, le Cerap, a mis au point des formations de haut niveau qui répondent au souci de former des jeunes sur ces questions de gouvernance, www.cerap-inades.org ). L’électricité n’est pas qu’une question de kWh….


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