L’énergie solaire semble bénéficier d’un engouement dont témoigne une floraison de projets de construction de centrales dans de nombreux pays. Si peu de progrès techniques décisifs ont été enregistrés récemment dans ce domaine, il est néanmoins utile de faire le point sur quelques avancés qui sont encourageantes. Il est clair que les pays du Sud ont beaucoup à gagner avec les techniques solaires.
Comme le montrent les statistiques du développement des capacités de production d’électricité à partir des énergies renouvelables (essentiellement l’éolien et le solaire), l’énergie solaire connaît depuis trois ans une accélération très nette des investissements en sa faveur (cf. notre brève de l’an dernier et www.epia.org ) dans la plupart des pays et la Chine a pris le leadership mondial de la production des panneaux photovoltaïques. La filière photovoltaïque semble pour l’heure la plus compétitive (elle met en œuvre des panneaux solaires le plus souvent au silicium) et représentait, en 2008, une capacité de production installée d’environ 15 GW dans le monde, en nette augmentation par rapport à celle disponible en 2007. En France, en 2009, une puissance de 150 MW de panneaux aurait été installée. En Allemagne (3300 MW installés en 2007), en revanche, la crise a freiné la demande d’installations en 2009 ainsi qu’en Espagne d’ailleurs. Face à un emballement du marché alimenté sans doute par une demande spéculative, notamment en France, plusieurs pays européens, l’Allemagne, l’Espagne, et la France début janvier 2010, ont décidé une révision à la baisse des mesures particulièrement favorables pour soutenir la filière solaire en rachetant l’électricité produite à un tarif très avantageux, notamment pour les particuliers qui équipent leurs maisons de panneaux solaires (à un coût qui correspond à 4 ou 5 fois celui de la production à partir du thermique ou de l’hydraulique). Dès 2009 la réduction des avantages consentis à la filière a provoqué une forte chute des investissements pour le solaire en Allemagne et en Espagne (l’industrie allemande du solaire avait réalisé un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros en 2008 avec une production qui est pour moitié exportée).
La filière solaire est loin d’avoir résolu tous ses problèmes de « jeunesse » avons-nous souligné à plusieurs reprises : – les coûts de fabrication des panneaux solaires demeurent élevés mais la quantité de silicium dans les cellules a été divisée par près d’un facteur trois depuis 2000 – les rendements peinent à augmenter en dépit de réels progrès – les centrales solaires à concentration (l’énergie solaire est concentré par un jeu de miroirs sur une tour où elle va vaporiser un liquide alimentant une turbine électrique) doivent faire leurs preuves . Si l’on a enregistré peu de percés décisives ces dernières années (hormis la mise au point de cellules fabriqués avec des matériaux organiques mais dont le rendement est encore faible), quelques progrès méritent toutefois d’être relevés. Ainsi sur le « front » des cellules solaires photovoltaïques, une petite société américaine, la start up Semprius (en Caroline du Nord) a annoncé qu’elle avait mis au point des micro-cellules dotées de lentilles permettant de concentrer la lumière solaire (K.Bourzac, « Micro solar cells handle more intense sunlight », Technology Review February 09, 2010, www.technologyreview.com ). Les panneaux solaires ont été construits avec des modules de cellules carrées de 600 microns de côté. Chaque cellule est constituée de trois couches minces de semi-conducteurs à base d’arséniure de gallium qui vont absorber chacune une longueur d’onde différente du rayonnement solaire. Chaque cellule est surmontée d’une petite lentille en forme de bille qui concentre la lumière solaire (environ mille fois) en la répartissant toutefois sur la cellule pour éviter un trop fort échauffement local. L’utilisation de couches minces, outre qu’elle économise le matériau (l’arséniure de gallium est plus coûteux que le silicium), permet une meilleure dispersion de la chaleur à l’extérieur des cellules (une fraction importante de la lumière solaire est absorbée sous forme de chaleur, notamment le rayonnement infrarouge). Les coûts de fabrication sont abaissés grâce à l’utilisation des techniques classiques de gravure de la microélectronique. Les rendements annoncés pour ces cellules atteindraient 25 à 35 % (à comparer à 20% au maximum pour les cellules classiques au silicium) et pourraient produire un kwh électrique à environ 10 cents de $ (7 à 8 cents d’euro) avec un coût des cellules de 2 à 3 $ par watt…La société Semprius prévoit une production de ses cellules en 2013. Les coûts de production de l’électricité sont sans doute très optimistes mais cette technique méritera d’être suivie.
S’agissant de la filière par concentration qui exige des grandes installations (des tours avec un jeu de miroirs asservis si possible au mouvement du soleil au cours de la journée), elle a le grand avantage de pouvoir stocker l’énergie pendant une partie de la journée : il suffit de stocker la chaleur solaire dans un matériau (par exemple un solide que l’on fait fondre) et de l’utiliser pendant la nuit pour produire de l’électricité avec une turbine (un échangeur permet de transférer la chaleur à un liquide que l’on vaporise). Plusieurs centrales de ce type sont en cours d’essai ou en construction dans le monde (notamment dans le sud de l’Espagne, aux USA dans l’Arizona, et une petit centrale, Themis, près de Perpignan en France construite lors des années 1980 et qui est « requinquée »….un monument symbolisant bien l’absence d’une politique en la matière). Sur ce front là, donc rien de nouveau. L’énergie solaire peut aussi être utilisée dans des fours, le CNRS avait joué un rôle de pionnier avec les fours solaires d’Odeillo (dans les Pyrénées orientales, cf. la photo) dans les années 1960 à 1980 pour faire des recherches sur le matériaux fabriqués à haute température. Ces fours solaires peuvent aussi être utilisés pour réaliser des réactions chimiques à haute température. Une possibilité consisterait à transformer la vapeur d’eau et le gaz carbonique de l’air (un sous-produit de l’utilisation des combustibles fossiles) pour produire un « gaz de synthèse » (un mélange de monoxyde de carbone et d’hydrogène). La chaleur solaire captée par des miroirs est dirigée sur un catalyseur (un oxyde de fer par exemple) qui va permettre la décomposition, en deux temps, de la vapeur d’eau et du gaz carbonique. Dans une troisième étape on peut produire des hydrocarbures à partir de nouvelles réactions à partir du gaz de synthèse (des réactions analogues à celles que l’on utilise dans la gazéification du charbon). En fin de compte on a reconstitué partiellement les carburants que l’on avait consommés grâce à la médiation du soleil…Plusieurs laboratoires travaillent dans le monde sur ce type de procédés, notamment le laboratoire Sandia aux USA, avec un réacteur comportant 228 miroirs, l’Institut Paul Scherrer à Villigen en Suisse qui testent des nouveaux catalyseurs à base de cérium (cf. R.S.Service, « Sunlight in your tank », Science, Vol. 326, p. 1472 11 December 2010, www.sciencemag.org ). Pour l’heure les rendements de ces procédés sont encore peu élevés mais, là encore, c’est une technique à suivre.
Une autre voie, utilisant la filière thermodynamique de façon simple consisterait à construire un réacteur solaire qui va chauffer de la biomasse, par exemple des déchets végétaux, en présence de vapeur d’eau, on produit alors un gaz de synthèse comme lors de la gazéification du charbon que l’on transforme en hydrocarbures par des réactions catalytiques (des réactions très classiques dites de Fisher-Tropsh). Le procédé est a priori simple et une société américaine Sundropfuel, basée à Louisville dans le Colorado, envisage de construire une installation industrielle (une tour de 20 mètres de haut et 2700 miroirs pour concentrer la chaleur solaire) pour fabriquer des carburants synthétiques en 2012 (une production annuelle de 19 millions de litres d’essence par an). Ce type d’installations répondrait aux besoins des pays en développement qui ont du soleil et des déchets agricoles.
Il faut certes se garder des emballements ou des modes énergétiques, et si le solaire a encore des progrès à réaliser (les coûts de production des cellules photovoltaïques ont chuté mais demeurent encore élevés, les rendements doivent être améliorés, la filière à concentration doit faire ses preuves, etc.) mais il ne faudrait pas oublier que les voies de l’énergie solaire sont multiples et que des percées peuvent survenir là où ne les attend pas (du mariage du solaire avec la chimie pour produire des biocarburants ? Pourquoi pas !). Les USA qui sont pragmatiques investissent dans plusieurs voies, ainsi et le président B.Obama dans le projet de budget américain pour 2011 (pour le Département de l’énergie) a proposé d’investir 300 millions de $ dans des recherches sur les filières solaires. Alors qu’à Copenhague on a évoqué les transferts de technologie vers les pays du Sud pour qu’ils investissent dans les énergies « décarbonées », le solaire est certainement un domaine où les bénéfices qu’ils pourraient retirer des investissements (y compris dans de petite taille) seraient importants.