La consommation énergétique mondiale va connaître un net recul en 2009, pour la première fois depuis 1981, il est clair que la crise économique et financière qui s’est ouverte en 2008 en est la cause. Les investissements pour l’énergie seront également en très forte baisse cette année, cette baisse avait été amorcée à la fin 2008. L’incidence de cette chute des investissements, si elle se poursuivait l’an prochain, pourrait avoir des conséquences sérieuses pour tous les secteurs énergétiques
Le dernier rapport de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie), World Energy Outlok 2009 (www.iea.org ), publié en novembre 2009, dresse un bilan de la consommation énergétique mondiale et de ses perspectives. Il fait ainsi état de la chute de consommation globale d’énergie dans le monde de 2 % en 2009, pour la première fois depuis 1981. Sur la période 2007-2010 l’AIE prévoit ainsi une baisse de la demande d’énergie de l’ordre de 0,2% par an. Cette chute qui n’épargne aucun secteur est une conséquence directe de la crise financière et économique qui a touché l’économie mondiale en 2008-2009, à des degrés divers selon les pays il est vrai. Les Etats-Unis, pays qui a une boulimie d’énergie, la demande d’énergie primaire a chuté de 6% les cinq premiers mois de l’année par rapport à la même période de l’année 2008, avec une chute de 8% de la consommation de pétrole. Selon Cap Gemini dont l’Observatoire européen des marchés de l’énergie publie chaque année un état des lieux de l’énergie en Europe, la demande mondiale d’électricité chuterait de 3,5 % en 2009 et celle de gaz de 3%. Selon l’AIE la demande « rebondirait » en 2010-2015 avec une croissance annuelle de l’ordre de 2,5%. En relation directe avec la crise, les émissions mondiales de CO2 auront diminué de 3% en 2009. Si la crise financière a été à l’origine de la crise économique mondiale en provoquant une récession dans la plupart des pays développés (la Chine et de nombreux pays émergents en Afrique par exemple) étant relativement moins touchés), il est très probable que la flambée des cours du pétrole sur la période 2007-2008 (le cours du baril a atteint 150 $ en juillet 2008) a contribué à la chute de l’économie mondiale.
Si la récession a provoqué une pause dans la consommation énergétique mondiale qui est sans doute temporaire (il est vrai que le redémarrage de l’économie mondiale est loin d’être assuré), elle a également eu un impact sérieux sur les investissements destinés aux secteurs énergétiques qui ont subi une forte chute. Ainsi, l’AIE estime-t-elle que globalement celle-ci serait de près de 20 % dans les secteurs pétrolier et gazier en 2009 soit de l’ordre de 90 milliards de $. Cette chute des investissements dans le secteur pétrolier et gazier conduit à différer ou à annuler des projets importants : une vingtaine de projets de mise en production de nouveaux gisements de gaz et de pétrole représentant une production d’environ 2 millions de barils de pétrole / jour (la production actuelle est de l’ordre de 85 millions de barils/jour) ont été soit annulés soit différés de plusieurs années, de même une trentaine d’autres projets représentant une capacité de production de l’ordre de 4 millions de barils/jour ont été retardés d’au moins dix huit mois. Ces coupes sombres réalisées dans les investissements pétroliers et gaziers auront évidemment des conséquences à long terme sur la production de gaz et surtout de pétrole dont l’AIE prévoit dans ses scénarios qu’elle devrait croître pour faire face à une demande qu’elle estime importante à l’horizon 2030 (une augmentation de 40% de la demande d’énergie primaire dans son scénario de référence). Un redémarrage fort de l’économie mondiale après 2010 se traduirait mécaniquement par une forte demande de pétrole à laquelle la production ne pourrait pas faire face ce qui se traduirait par une nouvelle flambée du cours du baril. On doit observer que dés avant la « crise» la demande mondiale de gaz avait déjà fortement ralenti et que l’exploitation de gisements de gaz non conventionnel aux USA (dans des schistes) y a provoqué une baisse importante du gaz. Les gisements de pétrole non conventionnels au Canada (cf. notre brève à ce sujet de mai 2009) sont les plus sévèrement touchés par la crise car leur exploitation est difficile est coûteuse. Des capacités de production de 1,5 millions de barils/jour ont ainsi été suspendus voire annulés.
D’autres secteurs que celui des hydrocarbures sont touchés par la crise financière. Celui de la production d’électricité l’est également puisque dans tous les pays la demande d’électricité a chuté. Ainsi en Chine, où la demande d’électricité est très forte, celle-ci a chuté de 7% au dernier trimestre 2008 et de 4% au premier trimestre 2009. Les centrales électriques sont très « capitalistiques » dans la mesure où leur construction requiert la mobilisation de capitaux importants (en particulier les centrales nucléaires) et il n’est donc pas étonnant que la crise économique et financière ait provoqué une cascade d’annulations de projets de construction de centrales. Selon l’AIE, près de la moitié des commandes de centrales électriques auraient été annulée dans le monde en 2009 ce qui est évidemment considérable (les fabricants d’équipement seraient plus « optimistes » et citeraient un chiffre plus proche de 30%). En Europe, l’Espagne serait la plus touchée par cette grippe des investissements (44% des investissements dans ce domaine seraient annulés en 2009), en France, en revanche, la société GDF SUEZ a annoncé qu’elle maintiendrait ses prévisions d’investissements. En Afrique plusieurs projets importants ont été retardés voire abandonnés (la fin de la construction d’une centrale hydroélectrique de 750 MW en Zambie est ainsi retardée d’un an). Le secteur de la transmission et de la distribution d’électricité (la grille électrique) qui est névralgique pour l’énergie électrique (il est nécessaire de produire de l’électricité mais elle doit être disponible au bon ne droit et au bon moment notamment pendant les heures de pointe) semble moins touché par la crise des investissements, les USA et la France, notamment, ayant annoncé, à la faveur de leurs plans de relance, un effort financier important pour le développement et la consolidation de leurs réseaux.
Paradoxalement, le secteur des énergies renouvelables est également très durement touché par la crise financière, alors que les investissements y sont, par comparaison, moins lourds que dans les secteurs du pétrole et de l’électricité « classique ». Il est vrai que la chute du cours du baril de pétrole a contribué à rendre moins attractifs l’énergie éolienne et les centrales solaires. Au premier trimestre de 2009 les investissements dans le secteur des énergies renouvelables ont chuté de près de moitié par rapport à la même période de 2008 et l’AIE s’attend à une chute de près de 20% des investissements dans le secteur par rapport à 2008 les ramenant ainsi à leur niveau de 2007, les plans de relance de l’économie permettant sans doute de ralentir cette chute, notamment aux USA. L’éolien est sévèrement touché puisque les commandes de turbines pour éoliennes ont chuté de près d’un facteur quatre entre le début et la fin de l’année 2008….mais le solaire n’échappe pas à la crise car plusieurs pays dont l’Espagne ont décidé de diminuer les avantage tarifaires (un tarif de rachat très supérieur au coût du kWh classique) qui étaient concédé aux installations produisant de l’électricité photovoltaïque. Le capital risque qui est orienté vers les énergies renouvelables (majoritairement des fonds privés) a été aussi touché par la crise financière : une chute de près de 70% des fonds au deuxième trimestre 2009 par rapport au même trimestre 2008. Enfin on observe une chute très importante des investissements destinés à la construction de « bio-raffineries » fabriquant des biocarburants (bioéthanol par exemple), notamment aux USA et au Brésil où près de la moitié des projets de construction sont soit retardés ou abandonnés, il est vrai que la récolte de le prix du sucre fortement augmenté au Brésil à la suite d’une mauvaise récolte.
Comme dans la fable de La Fontaine, « les animaux malades de la peste », toutes les filières énergétiques sont frappées par la crise….qui conduit à réduire les investissements d’avenir. Si ce ralentissement est provisoire, il n’aura que peu de conséquences sur la production des filières, mais si la reprise économique s’avérait vigoureuse, ce qui est d’être acquis, le cours du baril de pétrole pourrait de nouveau flamber la production ne pouvant pas faire face à une nouvelle croissance de la demande. Dans l’industrie automobile qui a été très durement touché par la crise, il n’est pas certain que les investissements en R&D réalisés ces dernières années permettent de préparer de nouvelles générations de voitures plus économes en carburant ou à motorisation électrique performante (le problème des batteries est loin d’être résolu). Outre la montée du chômage, la crise a malheureusement eu un impact négatif sur les investissements d’avenir (les investissements de recherche dans les entreprises dans certains pays comme la France semble-t-il) et en particulier ceux destinés aux énergies renouvelables qui permettraient de préparer une nouvelle donne énergétique. Au moment où va s’amorcer à Copenhague la négociation internationale sur le climat, il ne semble pas que l’on ait tiré toutes les leçons de la crise pour préparer des choix énergétiques. Dans cette période difficile mais clé pour l’économie mondiale, il appartient aux gouvernements à travers des politiques publiques de recherche, de soutien à l’innovation, de stimulation des investissements et des commandes publiques de prendre l’initiative pour la préparation de l’avenir.