Les perspectives de l’énergie solaire: entre la crise et l’eldorado?

energie_odeillo.jpgL’énergie solaire, après l’énergie éolienne, semble bénéficier d’un engouement dont témoigne une floraison de projets de construction de centrales dans de nombreux pays. La filière photovoltaïque est nettement en tête même si plusieurs projets de construction de centrales de la filière thermique ont été lancés.  Si peu de progrès techniques décisifs ont été enregistrés ces deux dernières années (un "mariage" entre le moteur Stirling et le solaire a toutefois annoncé cet été aux USA…) il est néanmoins utile de faire le point sur les perspectives de la filière solaire, après un été bien ensoleillé, du moins dans les pays du Sud propices à son essor.

 Comme le montrent les statistiques du développement des capacités de production d’électricité à partir des énergies renouvelables (essentiellement l’éolien et le solaire), l’énergie solaire connaît depuis trois ans une accélération très nette des investissements en sa faveur. Ainsi, selon l’European Photovoltaic Industry Association (www.epia.org ), la filière photovoltaïque qui semble pour l’heure la plus compétitive (elle met en œuvre des panneaux solaires le plus souvent au silicium) représentait, en 2008, une capacité de production installée d’environ 15 GW dans le monde, en nette augmentation par rapport à celle disponible en 2007( 9 GW). L’Allemagne et le Japon sont nettement en tête dans la course au sol aire photovoltaïque (3300 MW installés en Allemagne en 2007, 1940 MW au Japon, 800 MW aux USA mais seulement 75 MW en France…). Si, en 2008 c’est encore l’Espagne qui a le plus investi dans l’installation de nouveaux panneaux solaires (2,5 GW installés), on observera que c’est la Chine qui est, aujourd’hui, le principal fabricant de cellules photovoltaïques. On doit remarquer aussi que dans des pays comme l’Allemagne et l’Espagne (ainsi que la France dans une certain mesure) les gouvernements avaient pris des mesures particulièrement favorables pour soutenir la filière solaire en rachetant l’électricité produite à un tarif très avantageux, notamment pour les particuliers qui équipent leurs maisons de panneaux solaires (qui correspond à 4 ou 5 fois le coût de production à partir du thermique ou de l’hydraulique), la crise économique a conduit l’Allemagne et l’Espagne à réduire considérablement, cette année, les avantages consentis à la filière et, en 2009, les investissements y ont fortement chuté.

La crise économique, nous l’avons souvent souligné dans nos brèves récentes et notre dernier éditorial, n’est pas sans incidence sur les investissements dans les énergies renouvelables, en particulier en Europe où les plans de relance, en particulier le plan français, n’ont pas particulièrement favorisé les filières énergétiques. Il est encore trop tôt pour avoir une idée précise de l’impact de la crise dans ce domaine. Toutefois, un rapport publié, en juin dernier, par l’UNEP (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) « Tendances mondiales de l’investissement en énergie durable 2009 », fournit quelques points de repère intéressants sur ce dossier des investissements mondiaux dans les énergies renouvelables (éolien solaire, géothermie, biomasse et biocarburants, énergie marine, les grands barrages hydroélectriques étant exclus). On constate ainsi que sur les 250 milliards de $ investis en 2008 dans des nouvelles infrastructures produisant de l’énergie plus de la moitié (155 milliards de $) l’ont été dans des sources d’énergie renouvelable. Si le rythme de croissance des investissements est impressionnant – ceux-ci ont doublé depuis 2004 – on observe, en revanche, que celui-ci a été relativement faible entre 2007 et 2008 (+5% seulement) ; l’impact de la crise économique et financière est certainement responsable de cette forte décélération. Une analyse des nouveaux projets d’infrastructures pour les énergies renouvelables révèle que si ’énergie éolienne vient largement en tête (51,8 milliards de $) sa progression est faible d’une année sur l’autre (+1% seulement) et qu’elle est suivie par l’énergie solaire (33,5 milliards de $) qui a connu un véritable boom (une progression de 49% par rapport à 2007). Au plan géographique on remarque une très forte croissance des investissements dans tous les pays émergents : celle-ci est particulièrement marquée au Brésil (+78%), elle est de 18% en Chine et de 10% pour l’ensemble de l’Afrique. Le rapport de l’UNEP montre aussi que le secteur des énergies renouvelables n’est pas épargné par la crise, loin de là : les nouveaux investissements ont baissé de 17% au second semestre 2008 par rapport à ceux engagés au premier semestre de l’année et sur le premier trimestre 2009 ils étaient en baisse de moitié par rapport à ceux enregistrés sur le premier trimestre 2008. Le solaire et l’éolien semblent touchés par la chute des investissements mais on observera aussi que s’ils on tous deux décollé, ces cinq dernières années, la production mondiale d’électricité n’était assurée, en 2008, qu’à 4,4% par des énergies renouvelables hors-hydraulique (2,9% en 2000). La crise, toutefois, n’a pas empêché l’Inde d’annoncer pendant l’été un plan très ambitieux de développement de ses capacité solaires : elle prévoit de passer d’une puissance installée, très faible (50 MW en 2007) à 20 GW en 2020….

La filière solaire est loin d’avoir résolu tous ses problèmes de « jeunesse » : – les coûts de fabrication des panneaux solaires demeurent élevés mais la quantité de silicium dans les cellules a été divisée par près d’un facteur trois depuis 2000 – les rendements peinent à augmenter en dépit de réels progrès). Toutefois si l’on en croît une étude publiée récemment par la revue Science (R.W. Swanson, « Photovoltaics power up » , Science, vol. 324, p.891, 15 May 2009, www.sciencemag.com ), il est vrai par un chercheur de SunPower Corporation qui promeut cette technique en Californie…., la fourchette des coûts des nouvelles installations pour le solaire photovoltaïques aux USA (qui intègrent un crédit d’impôt de 30% pour les énergies renouvelables) serait comparable à celle des installations thermiques les plus performantes (les turbines à gaz à cycle combiné) : – 86 à 194$ par MWh pour le solaire photovoltaïque – 106 à 204 $ par MWh pour le solaire thermique (centrales à concentration) – 74 à 102 $ pour les turbines à gaz – 56 à 113 $ pour l’éolien.

Si les entreprises asiatiques ne semblent pas hésiter à parier sur le solaire auquel se convertissent des fabricants de puces électroniques et d’écrans plats, l’Europe, en revanche semble à la peine. En France, si les installations de panneaux solaires par les particuliers sont en forte croissance selon Electricité Réseau Distribution de France (une hausse de près de 90% au premier semestre par rapport à l’an dernier qui correspond à un parc d’une puissance de l’ordre de 100 MW), le projet d’usine de panneaux solaires au silicium qui devait s’installer sur un ancien site d’Arkema à Saint Auban dans les Alpes de Haute Provence est toujours en attente, faute d’investisseurs. L’Allemagne qui est un poids lourd du secteur solaire (l’industrie allemande du solaire a réalisé un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros en 2008 avec une production qui est pour moitié exportée), la filière est durement touchée par la crise cette année et se trouve avec des surcapacités de production de panneaux solaires. La plus grande société allemande du secteur Q-Cells annonce une perte de 700 millions € pour le premier semestre et va licencier 20% de son personnel (Les Echos, 15-16 août), le retournement de situation s’explique en grande partie par la crise économique qui conduit les particuliers et les sociétés de production à baisser leurs investissements, il en va de même en Espagne mais le phénomène, on l’a vu, est mondial. On constate, par ailleurs, que le prix du silicium de qualité photovoltaïque a fortement baissé depuis deux ans : selon le cabinet d’expertise britannique New Energy Finance (www.newenergyfinance.com ) après avoir atteint un sommet fin 2007 (500 $ le kilo), le prix du silicium s’est effondré pour atteindre 67$ le kilo en juillet denier, cet effondrement traduit l’entrée sur le marché des producteurs chinois et l’existence de surcapacités de production mondiales.

La filière photovoltaïque n’est pas la voie de passage obligée pour la production d’électricité à partir du solaire même si, pour l’heure, elle de loin la plus développée. La filière thermique, ou à concentration, est une alternative possible (cf. photo du four soliare du CNRS à Odeillo).  Rappelons qu’elle consiste à concentrer le rayonnement solaire par un miroir (ou un jeu de miroirs) sur un capteur (un tube ou grand récipient) qui va permettre de piéger la chaleur dans un fluide (éventuellement un solide qui va fondre) qui sera vaporisé et alimentera une turbine couplée à une générateur électrique. Contrairement à la filière photovoltaïque, cette filière a le grand avantage de permettre de stocker l’énergie : il suffit de stocker la chaleur solaire et de différer la production d’électricité (pendant la nuit par exemple). Cette filière semble au point mais elle nécessite encore pas mal de développements techniques pour la production dans des grandes centrales. Récemment, une firme américaine de Phoenix (Arizona), Stirling Energy Systems (SES), qui développe des moteurs thermiques dits Strirling, a proposé de construire des grandes centrales à concentration en utilisant des moteurs Stirling (cf. Technology Review, 28 juillet 2009 www.technologyreview.com) . Ceux-ci ont la particularité d’être des moteurs thermiques dont la source de chaleur est externe (ce ne sont donc pas des moteurs à combustion interne ou des systèmes où une vapeur chaude est introduite dans un cylindre de l’extérieur comme dans une turbine à vapeur), la chaleur extérieure réchauffe un gaz dans une partie d’un cylindre qui sera à haute température, la détente du gaz chaud produisant un travail. On conçoit que les moteurs Stirling (utilisés dans certains sous-marins car ils sont moins bruyants que les diesels) devraient être bien adaptés à des centrale solaires à concentration, le soleil étant la source extérieure de chaleur via la circulation d’un fluide. La société américaine propose d’utiliser des miroirs de forme parabolique de 12 mètres de large pour capter le rayonnement solaire et donc la chaleur alimentant un moteur Stirling de 25 kW. Elle propose de construire une première centrale de 300 MW utilisant 12 000 miroirs…. pour produire de l’électricité, en principe, à un coût de 12 à 15 $ le kWh (plus élevé que par les techniques thermiques classiques mais compétitif). Le système semble plus simple à mettre en œuvre que dans les grandes centrales à concentration utilisant une tour centrale (où il est nécessaire de synchroniser tous les miroirs) mais, en revanche, le stockage de la chaleur semble plus difficile à réaliser avec ce type d’installation. En tout cas il sera intéressant de suivre l’évolution de ce couplage du moteur Stirling et du solaire.

Comme on pouvait le redouter, la crise économique freine les investissements en faveur des énergies renouvelables en général, et du solaire en particulier. Si ce coup de frein était trop fort il pourrait handicaper sérieusement le développement de la filière solaire qui semblait prendre son essor. Toutefois, il faut se garder des emballements ou des modes, le solaire a encore des progrès à réaliser (les coûts de production des cellules photovoltaïques ont chuté mais demeurent encore élevés, les rendements doivent être améliorés, la filière à concentration doit faire ses preuves, etc.) et il faudra bien en passer par un moment de vérité pour les coûts de production : la filière ne pourra pas être subventionnée au delà d’une période raisonnable (dix ou quinze ans ?) et devra prouver sa compétitivité économique. Il serait dommage que la crise casse le démarrage de la filière et empêche de tester de nouveaux prototypes faute d’investissements tant dans la recherche que dans le développement technologique.


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