Un éclairage électrique innovant et économe en énergie: la lumière viendra-t-elle de la chimie?

Image00093.pngL’éclairage lumineux représente une faible part de la consommation d’électricité mais l’efficacité énergétique des lampes à incandescence, encore largement utilisées, est très faible. Les tubes et les lampes fluorescentes sont évidemment une alternative possible mais elles présentent un certain nombre d’inconvénients. Verra-t-on plus clair avec moins d’énergie ? C’est peut être possible avec les diodes électroluminescentes qui ont récemment fait des progrès indéniables.

Depuis son invention, à la fin du dix-neuvième siècle, la lampe à incandescence a été utilisée massivement pour l’éclairage dans les bâtiments. Elle a l’avantage de fournir une lumière blanche dont le spectre correspond à peu près à celui du rayonnement solaire (pratiquement toutes la radiations y sont présentes) car elle est émise par un filament métallique (du tungstène en général, le filament utilisé par Edison était en carbone) qui est porté à haute température par chauffage par un courant électrique, toutefois sa température étant plus basse d’un millier de degrés que celle de la surface du Soleil, son spectre est donc plus pauvre en rayonnement de grande énergie (comme les UV) que celui de la lumière naturelle. Le rendement énergétique des lampes à incandescence est très mauvais ce qui a conduit la plupart des pays à prévoir leur élimination progressive et leur remplacement par des lampes fluorescentes; en Europe la vente des lampes à incandescence sera interdite d’ici deux à trois ans. En effet, si l’éclairage électrique ne représente que seulement 5% environ de la consommation d’électricité toute mesure d’économie d’énergie est bonne à prendre !

Les tubes ou les lampes à fluorescence sont utilisés depuis longtemps (ils ont été inventés par le chimiste Georges Claude au début du vingtième siècle). Dans ces tubes la lumière est émise par un gaz qui a été ionisé par une décharge électrique. Le gaz est en général un mélange d’argon et de vapeur de mercure (un mélange de poudres fluorescentes tapisse la paroi interne du tube pour « compléter » le spectre d’émission). Une lampe fluorescente est constituée par un tube de faible diamètre qui a été recourbé plusieurs fois. Les lampes fluorescentes les plus récentes fonctionnent en émettant de 60 à 70 lumens par watt d’électricité consommée alors que les lampes à incandescence n’émettent que de 10 à 17 lumens par watt et leur efficacité énergétique est donc cinq fois moindre. Cependant la qualité de la lumière émise par des tubes fluorescents laisse quelque peu à désirer car son spectre est très appauvri en radiation rouge ce qui donne un teint plutôt pâle aux personnes qui sont ainsi «éclairées» et peut conduire à s’interroger sur leur bon état de santé…On observera que les lampes halogènes sont une variante des lampes à incandescence classiques, elles fonctionnent à plus haute température (on ajoute un composé halogène) et leur spectre est donc plus proche de celui du rayonnement solaire visible mais leur performance énergétique est moins bonne que celle des lampes fluorescentes.

Une autre technique d’éclairage consiste à utiliser des diodes solides électroluminescentes qui émettent de la lumière (Light Emitting Diodes ou LED en anglais). Dans ces dispositifs solides la lumière est émise lors d’un processus d’excitation-désexcitation d’électrons dans le solide, les électrons subissant des transitions entre deux niveaux d’énergie induites par un champ électrique. Le solide est un semi-conducteur qui a été dopé et la couleur de la lumière émise va dépendre de la composition du solide : on obtient ainsi de l’Infra-Rouge avec un composé d’arseniure de gallium (As Ga) dopé avec du silicium et du zinc, du jaune avec de l’AsGa dopé avec du phosphore, du vert avec du nitrure de gallium, du bleu avec du selénium et du zinc, etc. Il faut donc associer plusieurs matériaux pour obtenir de la lumière blanche. Les LED ont l’avantage de fonctionner en basse tension et d’avoir une durée de vie supérieure à celles des lampes à incandescence ou à fluorescence mais si leur rendement est relativement élevé (au maximum 50 lumens par watt) il est moins bon que celui des lampes à fluorescence, par ailleurs leur coût demeure encore relativement élevé. Des travaux de recherche très importants sont donc réalisés pour trouver des dispositifs solides moins coûteux fabriqués, par exemple, avec des composés organiques.

Une percé technique vient peut être d’être réalisée, récemment, par des chercheurs allemands d’un Institut de photophysique de Dresde qui ont publié leurs travaux dans la revue Nature (S.Reineke et al. « White organic light-emitting diodes with fluorescent tube efficiency », Nature, Vol. 459, p. 234, 14 May 2009, www.nature.com ). L’idée d’utiliser des polymères organiques pour réaliser des LED a fait lentement son chemin, notamment pour leur utilisation dans les téléphones portables et certains écrans plats mais ces LED doivent être protégées contre l’humidité et l’oxygène auxquels elles sont sensibles. Les chercheurs allemands ont utilisé des composé organiques (donc moins coûteux) pour réaliser leurs diodes qui sont constituées de trois couches superposées dopées avec du phosphore et qui vont émettre dans le bleu, le rouge et le vert, ces couches sont mises en sandwich avec un matériau intercalaire. Les diodes sont enrobées dans un verre dont l’indice de réfraction évite qu’il n’absorbe ou ne réfléchisse la lumière émise. La performance énergétique de ces nouvelles diodes semble excellente, elle est de 90 lumen par watt et les chercheurs allemands espèrent pouvoir la pousser jusqu’à 124 lumens ; ce rendement serait alors nettement supérieur à celui des lampes fluorescentes. Ces LED elles ont par ailleurs l’avantage de pouvoir « imiter » facilement la lumière visible. La réalisation de ces nouvelles diodes baptisées OLED (Organic LED) est incontestablement une percée technique mais il subsiste toutefois une incertitude majeure qui est leur duré de vie car elles sont sensibles à l’oxygène et à l’humidité. On est très loin, semble-t-il, de la durée de vie des lampes fluorescentes industrialisées, aujourd’hui, qui est d’environ 10 000 heures. Les nouvelles OLED ne durent que quelques heures…

L’utilisation de diodes organiques pour l’éclairage est incontestablement une perspective intéressante car on peut obtenir d’excellents rendements énergétiques avec des matériaux peu coûteux mais elle ne pourra déboucher industriellement que dans quelques années au mieux. Il faut en effet stabiliser les diodes pour que leur durée de vie les rende compétitives par rapport aux lampes fluorescentes. Des travaux récents de chimistes du MIT ouvrent une autre piste intéressante : elle consiste à marier des matériaux organiques avec des nanocristaux semi-conducteurs, ceux-ci sont fixés par des liaisons chimiques sur un polymère et, en variant la composition des nanocristaux, on peut adapter le spectre de la lumière émise (Anne-Marie Corley, « A cheap route to robust LEDs », Technology Review, 15 May 2009, www.technologyreview.com ). L’avantage potentiel de diodes organiques est aussi qu’elle peuvent s’enrouler comme un ruban plastique sur un support ce qui permettrait de les utiliser dans une grande variété de dispositifs électroniques, c’est une voie sur laquelle travaillent en particulier des chercheurs japonais qui viennent de publier leurs travaux dans la revue Nature Materials (T.Sekitani et al. ”Stretchable active-matrix organic matrix light-emitting diode display utilising printable elastic conductors”, Nature Materials, Vol. 8, p.494, June 2009). Une lumière peu coûteuse en énergie viendra peut être de la chimie…


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