Energie et pile à combustible: la voie des nanomatériaux est-elle ouverte?

Image00089.pngL’utilisation de piles à combustible (fonctionnant avec de l’hydrogène par exemple) est souvent proposée pour alimenter en électricité un moteur électrique d’automobile : on se passe alors de batterie. Cette solution est encore très coûteuse car elle nécessite d’utiliser des métaux précieux comme le platine dans les électrodes. Une percée de chercheurs aux USA laisse entrevoir une alternative : l’utilisation de nanotubes de carbone comme électrodes.

 Les piles à combustible peuvent être utilisées soit pour alimenter le moteur électrique de véhicules, soit dans des installations fixes pour fournir à la fois de l’électricité et de la chaleur (par exemple dans des immeubles) avec des puissances de quelques milliers de kW. L’intérêt potentiel du couple moteur électrique – pile à combustible est que son rendement global peut atteindre 60 % soit le double de celui d’un moteur à explosion classique. Le « carburant » qui est le plus souvent envisagé pour les applications des piles à combustible à l’automobile est l’hydrogène. Dans une pile à combustible on convertit l’hydrogène en eau en produisant de l’électricité (en effectuant une suite de réactions d’oxydation et de réduction sur les électrodes) ce qui est l’opération inverse de l’électrolyse. L’hydrogène est introduit à l’anode (l’électrode négative) et l’oxygène de l’air à la cathode (l’électrode positive) ; l’hydrogène perd ses électrons à l’anode et ceux-ci alimentent un circuit électrique extérieur (et donc un moteur). Privés de leurs électrons les atomes d’hydrogène (réduits à l’état de protons) vont transiter par un électrolyte et se recombiner à la cathode avec l’oxygène et les électrons qui ont accompli leur tournée électrique pour donner de l’eau. Il est impératif de totalement séparer les électrodes par un électrolyte qui ne laissera passer que les protons et évitera le passage des gaz d’une électrode à l’autre ainsi qu’un transit direct des électrons ce qui provoquerait un court-circuit. Dans les piles destinées à l’automobile l’électrolyte utilisé, aujourd’hui, est une membrane polymérique. L’avantage de ces piles à hydrogène, outre le fait qu’elles ont un bon rendement, est qu’elles ne produisent pas de gaz carbonique et leur utilisation ne contribue donc pas à l’effet de serre (il reste à savoir bien sûr comment est produit l’hydrogène). Toutefois, pour l’heure, ces piles qui fonctionnent à des températures peu élevées (inférieures à 100°C), présentent l’inconvénient majeur de requérir l’utilisation d’un catalyseur qui est un métal précieux, en général le platine, sur les électrodes ce qui élève beaucoup le coût de production unitaire des piles (le platine représente encore environ la moitié du coût d’une pile). Le point de blocage principal est, en effet, que sur la cathode la molécule d’oxygène est « réduite » par les protons et les électrons pour former de l’eau ce qui requiert une rupture préalable de la liaison chimique relativement forte entre les atomes d’oxygène avant la réaction qui nécessite un catalyseur (d’autant plus que la température est peu élevée), le platine et les métaux précieux sont parmi les catalyseurs les plus efficaces pour cette opération. Beaucoup de recherches sont effectuées pour trouver d’autres catalyseurs mais jusqu’ à présent on n’a pas vraiment fait de percées décisives.

Une alternative, déjà mise en pratique, est de diminuer la quantité de platine utilisée en utilisant pour les électrodes des petites particules de carbone enrobées de platine. Une équipe américaine vient toutefois de faire une percée qui ouvre sans doute des perspectives nouvelles. Des chercheurs de l’université de Dayton dans l’Ohio travaillant avec le laboratoire de recherche de l’US Air Force de Wright-Paterson dans l’Ohio a publié très récemment des résultats de travaux sur des électrodes constituées de nanotubes de carbone qui permettraient de remplacer le platine ( K.Dong,F.Du, Z.Xia, M.Durstock, L.Dai, « Nitrogen-doped carbon nanotube arrays with high electrocatalytic activity for oxygen reduction » Science, 6 February, pp760-764 www.sciencemag.org). Les nanotubes sont des petits « tuyaux » dont les parois sont constituées d’atomes de carbone, leur diamètre est de quelques nanomètres (le nanomètre est le millionième de mm) et leur taille peut atteindre quelques centaines de microns. Les chercheurs ont montré que ces tubes dopés avec de l’azote peuvent avoir une activité catalytique très importante et qu’ils peuvent être utilisées comme électrodes de piles à combustible. L’équipe américaine a utilisé un modèle de pile à combustible (utilisant l’hydrogène) fonctionnant à l’aide d’un électrolyte alcalin (de la potasse) ; ce type de pile, dite alcaline, a équipé les capsules des missions Apollo et est embarqué sur les navettes spatiales (leur rendement est proche de 70%). Les nanotoubes ont été fabriqués à partir d’un composé contenant du carbone, de l’azote et du fer puis les chercheurs ont réalisé un réseau de tubes en les déposant sur un film de polymère. Il semblerait que les atomes d’azote en s’insérant dans les parois en carbone des nanotubes modifient les propriétés électroniques des atomes de carbone ce qui leur permettrait d’accélérer la réduction de l’oxygène à la cathode et de jouer un rôle de catalyseur. En remplaçant le platine des électrodes (en particulier à la cathode où c’est le plus critique) par ces nanotubes on obtient des densités de courant quatre fois plus élevées qu’avec des électrodes constituées de particules de carbone enrobées de platine. Ce type d’électrodes, outre leur moindre coût, aurait l’avantage de ne pas être sensible à un « empoissonnement » du platine par le monoxyde de carbone (le CO) qui diminue ses capacités catalytiques ce qui est un handicap possible pour les piles à combustible actuelles (la cause en étant la présence de traces d’oxyde de carbone, le CO2, dans l’hydrogène si celui n’a pas été suffisamment purifié). La percée réalisée par les équipes américaines est intéressante car elle ouvre une voie nouvelle qui est celle de l’utilisation des nanomatériaux comme électrodes (on peut remplacer les électrodes classiques de platine par un assemblage de nanoparticules enrobées de platine qui sont des catalyseurs). La solution est applicable aux piles alcalines tout comme à celles utilisant des membranes polymériques comme électrolyte. Il reste à tester en vraie grandeur la fiabilité de ces piles et la robustesse des nanotubes à l’usage.

 Les travaux américains mettent bien en évidence la question clé des mécanismes catalytiques dans beaucoup de systèmes énergétiques (les piles comme la production de carburants) dont nous avons souligné l’importance dans notre dernier éditorial. Bien sûr cette percée ne résout pas le problème de fond des piles à combustible qui est la production du carburant, l’hydrogène en l’occurrence, pour laquelle on en reste à des voies classiques (électrolyse de l’eau ou fabrication à partir du gaz naturel)…..


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