Le stockage de l’électricité: clé de l’avenir de la voiture électrique et des énergies renouvelables

Image00019.pngCours du pétrole et des carburants qui flambent, ces dernières années, avant leur rechute à la fin de l’année 2008, et marasme de l’industrie automobile ont redonné de la vigueur aux perspectives des voitures électriques (hybrides ou purement électriques). Stocker l’électricité est un point clé pour les véhicules électriques et les énergies renouvelables. Peut-on espérer des percées qui rendraient possibles  des développements industriels à court terme ?

  Il existe deux types de systèmes pour « stocker » de l’électricité (mis à part des méthodes comme son stockage en élevant de l’eau par pompage dans un lac de barrage qui, ultérieurement, fournira de l’électricité avec une turbine en cas de besoin…) : les batteries et les condensateurs. Les batteries (ou piles électriques) stockent l’électricité sous forme de composés chimiques (des ions le plus souvent). Elles contiennent un oxydant qui est une espèce chimique qui est capable de capter des électrons (les « particules » d’électricité) et un réducteur, une autre espèce capable de céder des électrons : ils constituent les électrodes. Un électrolyte intercalé permet la circulation des ions dans la pile entre les électrodes tandis que les électrons circulant dans un circuit extérieur produisent le courant électrique alimentant, par exemple, un moteur ou un portable (on lira une présentation simple du fonctionnement des piles dans Marie-Christine de La Souchère « Les piles », La Recherche, 423, p. 93, octobre 2008). Les condensateurs stockent directement des charges électriques sur les électrodes ; un condensateur électrochimique stocke des charges dans une double couche sur les électrodes, un électrolyte sépare les charges. Les deux systèmes ont des modes de fonctionnement très différents : les batteries stockent plus d’électricité par unité de masse mais leur recharge est lente et les réactions d’oxydation-réduction qui libèrent les charges modifient en général la structure cristalline des électrodes qui vont changer de volume au gré des cycle de charges et décharges. A l’inverse, les condensateurs peuvent être chargés et déchargés rapidement ; ils stockent moins d’énergie que les batteries mais ils peuvent délivrer de la puissance pendant une courte période. Leurs applications sont donc différentes.

 Les batteries sont bien adaptées à des appareils comme les portables et les véhicules électriques mais il est probable que les futures voitures hybrides devront combiner batteries et condensateurs (pour délivrer de la puissance au démarrage). L’amélioration des performances de ces systèmes suppose une ingénierie complexe avec des recherches sur la physico-chimie de leurs constituants (cf. H.D. Abruna et al. « Batteries and electrochemical capacitors », Physics today, p. 48, December 2008). Les progrès enregistrés dans le domaine des batteries, en particulier dans la perspective de leur utilisation dans des voitures électriques, ont été très lents. La voiture hybride Prius de Toyota (moteurs électrique et à essence) utilisait, jusqu’à présent une batterie nickel-métal-hydrure mais la batterie lithium-ion a fait une percée récemment (elle stocke plus d’énergie par kg et de 0,3 à 0,4 kWh par litre, soit deux fois plus que les autres batteries) et Toyota a annoncé, au salon de l’auto de Detroit début janvier, qu’elle allait sortir une nouvelle voiture hybride avec une batterie au lithium, tout comme General Motors d’ailleurs avec sa Chevy Volt, annoncée pour 2010. La nouvelle Prius et la Chevy Volt seront « Plug in » c’est-à-dire rechargeables sur le réseau, (la nuit par exemple… pendant le sommeil du conducteur). Dans une batterie lithium-ion lors de la décharge, des ions lithium sont relâchés dans l’électrolyte (un gel ou un polymère), en « compensation » des électrons sont expulsés dans le circuit électrique extérieur. Le lithium a le grand avantage d’être le métal le plus léger et il a de ce fait une capacité de stockage par kg très intéressante (de 0,15 à 0,20 kWh par kg), de plus l’anode avec ce métal permet d’établir une différence de potentiel avec la cathode relativement élevée de l’ordre de 3 volts (en associant trois éléments en série, par exemple, on a ainsi une tension de 9 volts. L’utilisation du lithium s’avère toutefois délicate car si le courant lors de la charge n’est pas distribué uniformément dans l’anode il peut se former des dendrites de métal qui provoquent des courts circuits. On n’utilise pas le lithium métallique pour cette raison mais plutôt des matériaux composés, par exemple du graphite qui a une structure lamellaire qui permet au lithium de s’insérer entre des plans, des structures avec du silicium et de l’étain sont aussi testées. Pour les cathodes les batteries actuelles sont en général des oxydes ou des phosphates (un oxyde de lithium et de cobalt mais le cobalt est coûteux), d’autres structures lamellaires sont envisagées. La modification de la structure de la cathode lorsque les ions quittent la structure (lors de la charge) est un facteur qui conditionne sa stabilité à l’usage et il faut donc trouver des matériaux adaptés. C’est pourquoi on envisage aussi l’utilisation de matériaux organiques qui n’ont pas, en général, cet inconvénient car ils sont amorphes et leur structure ne change pas. Des composés organiques du soufre sont ainsi essayés comme cathodes.

Quant aux condensateurs électrochimiques, ils ont l’avantage de pouvoir se recharger rapidement puisqu’ils stockent moins d’énergie qu’ils peuvent délivrer rapidement. Le problème clé est le stockage des charges sur les électrodes qui est proportionnel à leur surface, on s’oriente donc vers des matériaux poreux notamment des poudres de carbone (du noir de carbone par exemple). Avec ce type de matériaux on peut stocker de 2 à 5 Wh par kg. Il est vrai qu’un « accumulateur » au plomb (inventé en 1859…) conserve toujours l’avantage de pouvoir fournir un courant intense lors du démarrage d’une voiture (jusqu’à 200 ampères) mais ses capacités de stockage par kg sont dix fois inférieures à celles des batteries au lithium.

Si l’utilisation des piles dans des appareils portables légers (téléphone, ordinateurs, etc.) ne pose pas de gros problème, les applications à l’automobile requièrent encore beaucoup de travaux de recherche. Outre la sécurité, les points clés pour les véhicules électriques demeurent : – le poids et le volume des batteries (il faut disposer pour un minimum d’autonomie sans recharge de 15 à 20 kWh, soit un poids total de batterie d’au minimum 150 kg, celui de la Chevy Volt sera de 170 kg) – le mode de recharge (dans un véhicule hybride elle se fait à bord avec un moteur thermique). Il faut donc augmenter les performances des électrodes. Les perspectives de nouveaux matériaux nanométriques sont de ce point de vue intéressantes car ils ont une très grande surface par unité de volume et peuvent donc stocker une plus grande quantité de charges électriques. Les recherches se portent, en particulier, vers les nanotubes de carbone qui sont des composés du carbone de forme tubulaire (leur longueur peut atteindre plusieurs centaines de microns mais leur diamètre n’est que de quelques nanomètres). Une équipe de chercheurs du MIT, à Boston aux USA, a ainsi réalisé des films très minces de carbone constitués par des nanotubes qui sont poreux qui peuvent être utilisés comme électrodes avec du lithium, voire comme électrolytes (cf. MIT www.technologyreview.com ). Leur utilisation comme « super- condensateurs » capables de stocker beaucoup de charges serait aussi sans doute possible. L’avantage de cette solution est qu’elle permettrait de réaliser des électrodes de taille modulable en superposant des films minces (l’électrode de base avec les nouveaux films a une épaisseur de l’ordre du micron alors que les électrodes classiques sont de dix à cent fois plus épaisses). Des recherches sur la stabilité des électrolytes sont également nécessaires car les interactions entre les ions, le solvant et les électrodes sous tension électrique les déstabilisent ; là aussi des polymères qui seraient des nanocomposites pourraient ouvrir de s perspectives intéressantes. L’utilisation d’autres métaux que le lithium, le nickel ou le cadmium sont envisageables même si le lithium a beaucoup d’avantages (celui de son poids n’étant pas le moindre).

L’électricité est appelée au secours de l’industrie automobile, notamment outre-atlantique où les grands constructeurs qui sont aux abois multiplient les annonces de sortie de modèles de voitures hybrides et tout électriques (Ford, GM notamment). Il en va de même en Europe (cf. notre brève d’octobre) où les constructeurs prennent aussi le train avec retard. Si, à long terme, certains parient sur les véhicules fonctionnant avec une pile à combustible utilisant l’hydrogène, la solution ne sera certainement pas mûre avant quinze à vingt ans (cf. aussi nos brèves sceptiques sur le sujet), la voiture électrique avec batteries est donc sans doute une solution viable, à moyen terme, si l’on parvient à améliorer considérablement les batteries ce qui suppose encore beaucoup de travaux de recherche et de développement technologique. Il n’est donc pas certain que l’option électrique puisse tirer l’industrie automobile rapidement de son marasme. Il reste à savoir d’où proviendra l’électricité…On soulignera ainsi qu’à long terme, un véritable décollage des énergies renouvelables qui sont des énergies intermittentes, et particulièrement le solaire (qui est totalement intermittent puisqu’il est soumis à l’alternance nuit/jour), suppose aussi la mise en place de moyens de stockage efficaces de l’électricité et, là encore, se pose la question incontournable des batteries.


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