La 14e conférence de l’ONU des parties à la convention de l’Onu sur le changement climatique (187 pays) qui s’est tenue à Poznan en Pologne à la mi-décembre, a lancé la négociation internationale sur un nouveau traité pour la limitation des émissions de gaz à effet de serre qui devrait être conclu en décembre 2009 à Copenhague et qui succédera au protocole de Kyoto signé en 1997. Auparavant les 27 Etats membre de l’UE avaient conclu, à Bruxelles le 12 décembre, un compromis sur le paquet « énergie-climat » qui fixe des objectifs à l’Europe d’ici 2020 pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Les positions des grands groupes géographiques qui vont être partenaires dans la négociation qui s’amorce commencent à se préciser, l’entrée en fonction le 20 janvier de la nouvelle administration américaine étant une nouvelle étape importante du processus où l’énergie joue un rôle clé.
Bien des qualificatifs ont été utilisés pour caractériser le compromis négocié par les 27 Etats de l’UE sous présidence française (démission de l’Europe face aux lobbies, compromis a minima, journée noire sans doute par référence au charbon polonais… l’Europe donne l’exemple, etc.), mais il est de fait que l’UE est parvenue à définir, certes avec difficulté, une position commune prévoyant une démarche réaliste de diminution de ses émissions de CO2. Ce compromis, ratifié par le parlement européen le 17 décembre est un paquet énergie-climat substantiel. Celui prévoit que l’UE réduira de 20% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 par rapport à leur niveau de 1990, voire de 30% en cas d’accord international à Copenhague. L’UE prévoit d’atteindre cet objectif en réalisant 20 % d’économie d’énergie par rapport au scénario tendanciel pour sa consommation, en portant à 20% la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique et en utilisant 10% de biocarburants dans les transports. Il a été prévu que les constructeurs automobiles réduiraient les émissions de CO2 des véhicules neufs en moyenne de 18% d’ici 2015 visant à les placer sous la barre de 130 g/km. Le secteur industriel a donné lieu à des négociations européennes animées car le point central de la discussion portait sur le mécanisme européen des « droits » d’émission avec un marché des permis, l’industrie électrique étant désormais intégrée dans le mécanisme. A partir de 2013, les entreprises devront réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en étant soumises à un mécanisme de quotas d’émission, un marché des droits de polluer qui seront vendus aux enchères par les Etats ; les secteurs industriels exposés à une concurrence internationale et donc à des risques de délocalisation des usines (l’acier par exemple) bénéficiant de l’attribution de quotas gratuits tant qu’aucun accord international ne sera signé. Sous la pression de l’Allemagne cette liste des exceptions a été étendue à des secteurs comme la production de ciment et de chaux qui sont très polluants. Le système sera mis en place progressivement : les entreprises ne devront acheter que 20% de leurs quotas aux enchères à partir de 2013 (les autres droits étant gratuits), puis 70% en 2020 et 100% enfin en 2030. Des secteurs comme l’habitat, les transports et l’agriculture ne seront pas soumis à des quotas mais devront réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 10% d’ici 2020. Le secteur de la production d’électricité joue un rôle clé car il émet près de 40% du CO2 européen et certains pays comme la Pologne utilisent encore massivement le charbon dans leurs centrales, la Pologne et d’autres pays de l’Est ont obtenu une exemption partielle à la règle des quota payants : leurs centrales ne paieront que 30% de leurs quota en 2013 pour arriver à 100% en 2020. L’UE a fait aussi un effort de solidarité à l’égard des pays les moins développés (pays de l’Est) auxquels 12% des quotas ont été attribués gratuitement, les 88% restant étant attribués aux membres de l’UE au prorata de leurs émissions constatées en 2005. Chaque pays devra atteindre l’objectif de réduction qui lui a été fixé (14% de réduction pour la France) Le marché des quotas devrait « rapporter » environ une trentaine de milliards d’€ par an et les Etats se sont engagés à les réinvestir dans des investissements destinés aux énergies renouvelables et aux économies d’énergie. Un programme test de stockage souterrain du CO2 devrait être lancé aussi au niveau européen. Au prix de concessions mutuelles les européens sont parvenus à un accord qui comporte certes des zones d’ombre mais qui a le mérite d’exister à l’échelle d’une grande zone géographique et économique et qui permet à l’UE de jouer un rôle pivot dans la négociation du futur traité international qui s’est en engagée à Poznan.
La conférence de Poznan n’a pas été marquée par des avancées majeures. Les Etats-Unis étaient largement aux abonnés absents dans l’attente de l’arrivée de la nouvelle administration que doit mettre en place B.Obama qui, on le sait, s’est déclaré favorable à une adhésion de son pays à un futur traité tandis que l’UE négociait encore son paquet énergie-climat au début de la conférence, quant aux pays en développement ils cherchaient d’abord à se positionner en vue de la négociation finale. Les débats se sont focalisés autour du prix à payer pour financer la limitation du réchauffement climatique, les pays en développement, la Chine en tête, estimant que c’est aux pays les plus développés de faire l’effort puisque leurs émissions sont les plus élevées (la Chine est devenue le plus gros émetteur mondial de CO2). Aucun engagement ferme et chiffré sur des objectifs à atteindre de limitation des émissions n’a été pris à Poznan, même si un pays comme le Mexique a déclaré vouloir réduire de 50% d’ici 2050 ses émissions et l’Afrique du Sud d’aller dans la même direction. Un groupe de cinq pays émergents semble vouloir jouer un rôle actif dans la négociation – le Mexique, le Brésil, l’Afrique du Sud, la Chine et la Corée du Sud – sans pour autant que toutes leurs positions soient convergentes (le Brésil se déclare ainsi opposé à un marché des droits à polluer). Quant aux pays africains (3% des émissions mondiales de CO2 pour 18% de la population mondiale) ils ne semblent pas avoir adopté de position commune. Un point dur de la future négociation sur lequel la conférence de Poznan a achoppé est le montant de la taxe qui serait prélevé sur les achats de quotas par le biais du Mécanisme du Développement Propre (MDP), ce mécanisme permet d’ores et déjà à des entreprises des pays soumis aux objectifs de diminution de leurs émissions via le protocole de Kyoto (8% pour les pays de l’UE) d’acheter des droits d’émission en finançant dans les pays en développement des projets industriels permettant « d’économiser » des émissions de gaz à effet de serre (éviter de produire des CFC par exemple). Une taxe sur ces ventes devrait permettre d’alimenter un fonds pour aider les pays pauvres à financer leurs économies d’énergie ou des projets d’énergie « propre », les pays développés n’ont accepté qu’une taxation de 2%, une somme évidemment très faible eu égard aux immenses besoins des pays en développement qui souhaitent que cette taxe porte aussi sur les permis d’émission émis chez eux par les Etats ce qui constituerait une manne substantielle pour le fonds. Aucun accord n’a été trouvé sur ce point à Poznan. La Chine défend l’idée d’une taxation des pays développés pour alimenter ce fonds à hauteur de 0,5 à 1% de leur PIB…. La négociation du futur traité va tourner autour de cinq points clés : – des objectifs chiffrés de réduction des émissions des gaz à effets de serre – une éventuelle taxe carbone – le marché des quotas d’émission et le mécanisme du développement propre (MDP)– la déforestation – les transferts de technologie aux pays en développement. Le premier point est évidemment difficile car il reste à savoir quels engagements les pays émergents seront disposés à prendre et dans quels délais (en particulier la Chine et l’Inde). La taxation globale des émissions de CO2 suppose, outre une « comptabilité » fine pays par pays, un accord sur un niveau de prix du carbone mais aussi un régime d’exemption pour certains d’entre eux (les pays africains notamment). Le marché des quotas et le mécanisme MDP est lié à la constitution d’un fonds d’aide aux pays émergents (quel niveau de taxation faut-il prévoir ?). Le mécanisme MDP est contesté dans la mesure il doit être contrôlé (il finance sans doute des projets qui de toute façon auraient été réalisés et il peut être pour les pays bénéficiaires un simple effet d’aubaine). Depuis sa mise en œuvre, en 2005, 1200 projets on été réalisés dans 55 pays ils auraient permis d’économiser l’émission de 250 millions de tonnes de gaz à effet de serre et l’ONU espère qu’environ 3 milliards de tonnes d’émissions de gaz seraient évitées d’ici 2012 (les émissions mondiales s’élevaient à 28 milliards de tonnes). Toutefois le comité exécutif du programme a décidé fin novembre de retirer sa licence de « contrôle » à l’entreprise Det Norske Veritas basée à Oslo qui a contrôlé la gestion de près de la moitié des projets du MDP mais qui aurait preuve d’insuffisances dans ce contrôle, ce qui indique bien qu’un sérieux renforcement de la gestion du mécanisme s’impose afin que l’impact climatique réel des projets soit vérifié. La déforestation pose un problème qui n’est pas nécessairement liée à la question énergétique (sauf éventuellement lorsqu’elle est entreprise pour développer des cultures destinées à la production de biocarburants). Il s’agit d’éviter que la déforestation incontrôlée dans certaines zones ‘Amazonie, Afrique centrale notamment) n’ait un impact sur le climat (les forêts fixant une part notable du CO2 atmosphérique et, a contrario, les brûlis étant des sources de CO2). La réduction des émissions de gaz à effet de serre qui résulterait de mesures prises pour conserver les forêts devrait faire partie des futurs engagements de Copenhague. Enfin les pays développés qui vont être sollicités par les pays émergents pour les aider à mieux utiliser l’énergie dont ils ont besoin pour assurer leur développement devront accepter de mettre en oeuvre une politique généreuse de transferts de techniques et de formation d’experts dans tous les domaines de l’énergie (la question du nucléaire sera sans doute posée).
La négociation qui s’est engagée sera sans aucun doute ardue et il n’est pas certain qu’elle puisse se conclure avant la fin de l’année pour le rendez vous de la prochaine conférence sur le climat à Copenhague en décembre prochain (la nouvelle administration américaine ne sera pas opérationnelle avant mars..). Par ailleurs la crise économique si elle prenait plus d’ampleur, en particulier en Chine et en Inde, risquerait de tendre les négociations, ces pays étant moins enclins à faire des concessions ou devenant encore plus exigeants en termes de compensations financières car ils devront donner une priorité au traitement de l’impact social de la crise au détriment des questions environnementales. Le débat ne fait que commencer….