L’énergie solaire en progrès: du soleil dans les rideaux!

Image00044.jpg L’énergie solaire photovoltaïque ( l’électricité solaire est extraite d’un solide grâce à la lumière) se heurte, déjà depuis plusieurs années, à deux obstacles pour décoller : l’amélioration nette du rendement énergétique des cellules d’une part , l’abaissement de leur coût de fabrication d’autre part. On a, certes, réalisé des progrès ces dernières années mais ils sont loin d’être décisifs. Toutefois, deux publications récentes laissent entrevoir des possibilités nouvelles pour les filières uitlisant soit le silicium soit les matériaux organiques.


 

La plupart des dispositifs produisant directement de l’électricité utilisent un semi-conducteur, le silicium, comme matériau de base (sous forme cristalline, pour la majorité, ou sous forme amorphe) ; les centrales thermodynamiques dites à concentration fonctionnent suivant un autre principe : le rayonnement solaire est la source chaude d’une turbine. On sait depuis longtemps que le rendement des cellules solaires est limité (il atteint 20% aujourd’hui pour les cellules au silicium) et que leur coût de fabrication, même s’il baisse, demeure trop élevé. Il est certes possible d’augmenter très sensiblement les rendements en utilisant mieux tout le spectre du rayonnement solaire (à l’aide de lentilles pour le concentrer) ou en ayant recours à d’autres semi-conducteurs mais les dispositifs envisagés, plus coûteux, ne sont pas encore commercialisés.

Deux équipes américaines de l’Université d’Urbana Champaign et de la Northwestern University à Evanston (toutes deux dans l’Illinois) ont réalisé une percée récente sur le front des coûts de production des cellules en innovant dans leur conception (J.Yoon et al., « Ultrathin silicon microcells for semi transparent, mechanically flexible and microconcentrator module designs », Nature Materials, vol 7, pp. 907-913, November 2008). On conçoit, évidemment, que si l’on utilise des films minces de silicium, on économisera de la matière première dans la fabrication des cellules (il faut bien sûr un épaisseur minimum pour que la lumière solaire arrache des électrons au matériau) et des travaux de recherche sont réalisés dans cette voie depuis plusieurs années. Les chercheurs américains ont choisi une approche originale dans la mesure où d’une part ils utilisent des micro-cellules et où d’autre part celles-ci sont implantées sur un substrat en plastique par un procédé d’impression. Les cellules sont réalisées en plusieurs étapes : elles sont d’abord découpées sur la surface d’une galette de silicium monocristallin (dopée avec du bore et du phosphore) à l’aide d’un procédé de gravure utilisé en microélectronique, puis elles sont décollées de la surface et imprimées sur un support plastique. On fabrique ainsi un film mince (avec des cellules carrées dont l’épaisseur peut atteindre le dixième de micron et la largeur 1,55 mm) flexible et léger qui constitue un réseau de cellules solaires connectées par des électrodes métalliques. Le rendement de ces cellules est évidemment plus faible que celui des cellules classiques plus épaisses, il est compris entre 4 et 11,6% (il varie avec l’épaisseur) mais il peut être multiplié par un facteur 2,5 en utilisant les lentilles optiques pour concentrer la lumière. Si l’on a perdu en rendement, en revanche, on abaisse notablement les coûts de fabrication en utilisant moins de silicium et des procédés empruntés à la microélectronique et on a de plus l’avantage de fabriquer des cellules légères et flexibles dont on peut moduler l’utilisation en jouant sur leur épaisseur (pour l’automobile ou le bâtiment par exemple). On pourrait ainsi utiliser ces cellules sous forme de rideaux facilement transportables et adaptables à des bâtiments quelconques pour équiper des façades, voire des tentes dans des endroits isolés…

L’autre percée a été réalisée avec des matériaux organiques sur lesquels travaille, depuis plusieurs années, l’équipe du professeur Grätzel à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) en collaboration avec un laboratoire de l’Académie des sciences de Chine à Changchun. L’originalité de leur approche réside dans le fait que les cellules n’utilisent pas le silicium pour capter l’énergie solaire mais un colorant organique. Il faut rappeler que le silicium a deux fonctions dans les cellules solaires « classiques »: – il est la source des électrons qui lui sont arrachés par les photons solaires – il est à l’origine d’un champ électrique interne qui sépare les charges électriques au sein matériau et permet ainsi aux électrons de circuler en créant un courant électrique. Les cellules de l’EPFL sont constituées par des particules d’oxyde de titane (qui est un semi-conducteur) enrobées dans un colorant organique à base de Ruthénium qui est la source des électrons lorsqu’il absorbe la lumière solaire. Les particules d’oxyde de titane de dimension nanométrique constituent une matrice à trois dimensions qui est immergée dans un électrolyte transparent et la séparation des charges électriques intervient à l’interface entre le colorant, les particules et l’électrolyte. L’ensemble semi-conducteur-électrolyte est placé entre deux électrodes (l’une est un matériau plastique transparent rendu conducteur). L’équipe de Lausanne et celle de Chine ont perfectionné récemment leur dispositif (Dong Shi et al ., « New efficiency records for stable dye-sensitized solar cells with low-volatility and ionic liquid electolytes », The Journal of Physical chemistry C Letters, 122, pp. 17046-17050, November 2008.) d’une part en utilisant un colorant plus sensible à la lumière (un autre dérivé du ruthénium et de la pyridine) et d’autre part en utilisant un électrolyte liquide qui est un mélange d’iodures qui n’est pas volatil. Les rendement obtenus avec ces nouvelles cellules sont de l’ordre de 10%, les cellules ont été testées pendant 1000 heures en laboratoire dans des conditions équivalentes à un ensoleillement en Suisse, elles paraissent stables (elles sont recouvertes d’un revêtement absorbant le rayonnement UV). Le rendement de ces cellules est plus faible d’un facteur deux que celui des cellules au silicium mais leur coût de fabrication est a priori plus bas car l’oxyde de titane est un matériau d’usage relativement courant (c’est un ingrédient de certaines peintures) et le colorant organique est utilisé en faible quantité. Ces cellules ont aussi l’avantage d’être légères (leur épaisseur est de 25 microns) et flexibles. Leur utilisation peut être envisagée pour recouvrir la façade de bâtiments ou pour la recharge de batteries (par exemple de téléphone portable) dans des endroits isolés.

Ces progrès récents des cellules solaires ne résolvent pas le problème de la production « massive » d’électricité photovoltaïque avec des panneaux solaires  car les rendements de ces nouvelles cellules sont trop faibles. En revanche, celles-ci laissent entrevoir la possibilité de diminuer substantiellement les coûts de production qui pourraient convenir à des usages dans le bâtiment car elles constituent des structures légères de type rideaux faciles à utiliser et transporter. Par ailleurs la voie suisse montre que celle du silicium (ou des semi-conducteurs classiques) n’est pas la seule possible, des colorants organiques sensibles à la lumière couplés à des matériaux simples offrent aussi des perspectives intéressantes.


                                                                  

 


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