L’énergie et les transferts de technologie: le rôle de l’Europe

Les enjeux de l’énergie ont, aujourd’hui, une dimension "globale" dans la mesure où ils concernent tous les pays de la planète et où ils ont une incidence majeure sur l’évolution du climat et, bien évidemment, sur l’épuisement de certaines ressources. C’est pourquoi les questions que posent la coopération sceintifique et technique internationale et les transferts de technologie entre les pays les plus développés et les autres pays de la planéte prennent, dans ce domaine, une importance croissante. Dans ce contexte quel peut être le rôle de l’Europe?

De façon générale, les transferts de technologie jouent un rôle croissant dans les échanges mondiaux. Ils peuvent avoir une finalité purement commerciale (une entreprise multinationale accepte de transférer certaines de ces techniques pour obtenir un marché, vendre des Airbus par exemple). Ils peuvent constituer aussi un outil privilégié d’une politique de coopération visant à éléver dans un certain domaine les capacités d’expertise scientifique et technique d’un pays ou d’un groupe de pays pour leur permettre d’élever leur niveau scientifique te technique dans un certain domaine pour leur permettre de mieux répondre aux besoins de leur population ou de faire face à des défis (l’énergie étant un bon exemple). Les transferts de technologie concernent donc le plus souvent des connaissances scientifiques et une expertise technique. Nous nous intéresserons spécifiquement ici au rôle de l’Europe, mais lorsqu’on parle de transfert de technologie, il faut d’abord préciser en direction de quels pays on effectue ces transferts. On schématisera quelque peu le débat en distinguant: – un groupe assez vaste et hétérogène de pays pauvres qui ont peu de ressources énérgétiques (ou qui ne les exploitent pas directement) et dont le potentiel scientifique est faible: typiquement ce sont les pays d’Afrique, une partie des pays asiatiques (le Bangladesh par exemple) et d’Amérique du sud – les pays dits émergents, pourvus de certaines ressources énergétiques et dotés d’une expertise scientifique et technique (typiquement la Chine, l’Inde et le Brésil). Les problèmes de transfert se posent différemment entre l’Europe et ces deux groupes de pays.

Pour les pays les plus pauvres (la très grande majorité des pays africains) on remarquera que la consommation d’énergie par habitant est inférieure à 0,5 tonne équivalent pétrole (0,5tep) soit huit fois moins que la moyenne européenne et que la majorité de leur population n’a pas d’accés direct à l’électricité (1,5 milliard d’habitants de la planéte n’ont pas d’accés direct à l’électricité). Si leurs resources énérgétiques propres sont faibles, elles sont parfois non négligeables. Ainsi l’Afrique, à laquelle nous intéresserons tout particulièrement ici, est -elle productrice de pétrole et a des réserves importantes de charbon (l’Afrique du Sud en produit 250 millions de tonnes par an, on lira avec intérêt sur ce sujet le livre de Jean-Marie Martin Charbon, les métamorphoses d’une industrie) et d’uranium, les réserves totales de combustibles fossiles de l’Afrique (33 Gtonnes) son relativement faibes mais plus importantes que celles de l’Europe….S’agissant du potentiel scientifique et technique propre à ces pays, on peut le qualifier de globalement sous-développé ou de peu performant (à l’exception sans doute de celui l’Afrique du Sud et de certains pays du Maghreb), l’Afrique représente environ 1%  de la production scientifique mondiale mesurée en terme de publications. Les transferts de technologie et de connaissances scientifiques dans les domaines de l’énergie entre l’Europe et les pays africains doivent d’abord viser à aider ces pays à mieux utiliser: –  leurs ressources en améliorant l’efficacité de leurs systémes énergétiques (rendement des moteurs, des centrales thermiques, moyens de transport) – la biomasse (une ressource importante) de façon moins polluante (dans la cuisson des aliments et le chauffage quand il est nécessaire, la biomasse brûlée dégageant des polluants qui sont à l’origine de maladies respiratoires dont sont souvent victimes les femmes et les enfants). Les techniques dans ces domaines sont simples et disponibles. Un deuxiémé volet des transferts vise à soutenir toutes les actions de production locale d’électricité : éolien côtier, solaire dans les endroits isolés, techniques de stockage de l’électricité (un problème majeur pour les énergies renouvelables et mal résolu), développement de la petite hydraulique. Cela suppose la mise à disposition de techniques. A plus long terme, il est nécessaire de préparer les pays africains par une coopération scientifique à un usage d’un solaire "massif" (des grandes centrales pour la production d’électricité photovoltaïque ou par des sytémes à concentration) quand celui-ci deviendra rentable (à l’horizon de vingt ans?). En revanche, il serait utile d’aider les pays africains à faire preuve de prudence dans l’utilisation des biocarburants dont la production aurait  certainement un impact sur leurs systèmes de production agricole. Il est clair que la priorité des priorité pour les pays africains, comme pour les autres pays en développement d’ailleurs, est la formation : des ingénieurs, des techniciens, des chercheurs, des gestionanires. Ces cadres et ces techniciens sont nécessaires pour améliorer les performances des systémes énergétiques et rationalser l’utilisation des ressources. A cet égard l’expérience, récente il est vrai, de l’ISTAC (Institut Supérieur de Technologie d’Afrique Centrale, un établissement d’enseignement supérieur formant des techniciens et des ingénieurs à Pointe Noire d’une part et à Douala d’autre part) créé par une coopération entre le groupe des Instituts catholiques des arts et métiers (ICAM) de Lille et l’Université Catholique d’Afrique Centrale (l’UCAC fondée à l’initiative des Jésuites à Yaoundé) est éclairante, les étudiants formés s’insérent dans les entreprises des pays de la région (notamment dans les métiers de l’énergie). C’est ce type d’expérience qui doit être valorisée et reproduite. Alors que fait l’Europe dans ces domaines? Pas grand chose à vrai dire. Les pays africains ne sont pas associés au Programme-cadre pour la recherche de l’UE qui a un volet énergie important, alors que nombre des projets financés (dans le domaine des énergies renouvelables par exemple) pourraient être valorisés en Afrique avec des moyens financiers limités, il faudrait donc ajouter un volet  "transferts" au Programme cadre pour la recherche pour aller dans cette direction. S’agissant de formation technique supérieure,  l’Europe ne fait rien ou peu de chose: elle "mégote" en utilisant tout son arsenal bureaucratique pour ne rien faire (elle a aidé la création de l’UCAC mais a refusé d’aider l’ISTAC par exemple) alors que des projets de soutien à des opérations de formation de haut niveau pour l’énergie sont peu côuteux et "rentables" à long terme.  Terminons en observant que l’Afrique a lancé une initiative importante sous l’égide de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), en 2001, le NEPAD (Le  Nouveau  Partenariat  Pour l’Afrique ou New Partnership for African Development en anglais). Le Nepad a pour objectif, notamment, de stimuler des coopérations interafricaines pour développer le continent et l’énergie est à  son agenda, en particulier sous l’angle de la réalisation d’infrastructures communes dans un cadre régional (l’Afrique de l’Ouest par exemple), telles que des lignes de distribution  d’électricité (l’Afrique ayant encore d’ailleurs des capacités hydroélectriques inexploitées). De même le NEPAD envisage t-il pour l’Afrique de l’Ouest la constitution d’un réseau de coopération scientifique sur l’énergie. C’est ce type d’initiatives qu’il appartient à l’UE de soutenir dans le cadre d’un partenariat Afrique -Europe car elles préparent l’avenir.

Les pays que l’on dit émergents  tels que la Chine, l’inde et le Brésil (il reste à savoir si l’Empire du Milieu accepte ce qualificatif!) sont d’une part dotés de certaines ressources énergétiques (la Chine est le premier producteur mondial de charbon dont elle produit 2,5 milliards de tonnes, l’Inde est aussi un gros producteur de charbon, quant au Brésil il a d’importantes réserves de pétrole… et il produit du bioéthanol) mais ils souffrent d’une boulimie d’énergie et, d’autre part ils ont développé leur potentiel scientifique et technique notamment dans le domaine de l’énergie (y compris dans le nucléaire pour la Chine et l’Inde). Les problèmes  ne se posent donc pas dans les mêmes termes que pour les autres pays en développement. Pour schématiser, on peut souligner que les transferts de technologie en direction de ces pays doivent avoir un caractére industriel plus marqué avec les objectif suivants: – améliorer l’éfficacité énergétique de leur économie – diminuer la croissance de leurs émissions de gaz carbonique qui sont le facteur le plus important du réchauffement climatique (la Chine et l’Inde utilisent massivement le charbon). Les opérations de transfert doivent emprunter la voie de la coopération avec des centres techniques européens et avec des entreprises industrielles (c’est le cas avec le nucléaire), certains programmes européens peuvent servir de ponts pour favoriser ces transferts (en constituant des consortiums entre partenaires) par exemple dans les domaines de la liquéfaction du charbon (pour produire des carburants synthétiques) et des biocarburants du futur, des techniques qui intéressent ces pays émergents. Il y a donc, là aussi, une place pour des intiatives européennes.

Pour conclure (provisoirement sans doute) ce dossier des transferts, il nous faut souligner que ceux-ci doivent s’intégrer dans une double négociation internationale. S’agissant du nucléaire, une des conditions à une coopération scientifique et technique est que celle-ci doit se dérouler dans le cadre d’un respect le plus strict du Traité de non Prolifération Nucléaire (TNP); ce traité est certes imparfait, mais il a le mérite d’exister et d’offrir des garanties pour que le nucléaire ne soit pas utilisé à des fins miltaires. On a vu récemment le problème que pose la coopération nucléaire avec l’Inde qui n’a pas signé ce traité (alors que l’Iran l’a signé….). Le TNP doit être renforcé (il doit être actualisé en 2010) en donnant des moyens supplémentaires de contrôle à l’AIEA de Vienne; la création d’une banque des combustibles sous contrôle international de l’AIEA pourrait être aussi une solution pour déveloper le nucléaire à une échelle mondiale (il est peu probable que ce soit ,pour l’heure, une solution réaliste pour la plupart des pays en développement dont ceux d’Afrique). Par ailleurs, en ce qui concerne toutes les techniques visant à améliorer l’efficacité énergétique, diminuer les émissions de gaz à effet de serre, etc. les transferts de technologie doivent être replacés dans le contexte de la négociation en cours pour le renouvellement du protocole de Kyoto qui limite les émissions de gaz à effet de serre. Autrement dit, il est nécessaire  que les pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil et quelques autres acceptent, aprés 2012, des mesures de limitation de leurs émissions, ce qu’ils n’ont pas fait jusqu’alors (l’actuel protocole de Kyoto les en dispense)… moyennant des aides des pays les plus développés pour mettre en oeuvre des nouvelles techniques de production d’énergie; les transferts de technologie seraient, en quelque sorte, une monaie d’échange, pour qu’ils acceptent ces limitattions (c’est , semble-t-il la position prise par Obama aux USA). Bien entendu, il ne peut pas être question d’entrer dans ce jeu avec les pays les moins dévelppés qui ont des besoins criants d’énergie à satsfaire. L’UE a clairement un rôle  à jouer dans cette négociation comme dans celle qui devrait permettre de renouveler le TNP. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler.


Publié

dans

par

Étiquettes :