Maîtrise de l’énergie de la fusion thermonucléaire: l’horizon recule encore!

energie_heure_des_choix_chap.8_fig.1_iter.jpgCapter l’énergie de la fusion thermonucléaire est un grand défi scientifique et technique que tente de relever le programme international Iter lancé en 2007. Le réacteur expérimental Iter sera construit  en France, à Cadarache, mais les scientifiques qui pilotent le projet ont fait d’importantes propositions de modification au projet de machine avant le lancement de la construction qui vont sans doute retarder l’horizon de sa mise en marche.

  Les schémas actuels pour réaliser la fusion thermonucléaire contrôlée et tenter de capter l’énergie de fusion du deutérium et du tritium (des isotopes de l’hydrogène) misent sur la méthode dite du confinement magnétique : on crée un plasma avec les atomes qui est confiné dans une chambre qui a la forme d’un tore par deux champs magnétiques très intenses (dispositif appelé Tokamak) et que l’on porte à très haute température (100 à 200 millions de degrés) par un courant électrique de 25 millions d’ampères et en l’irradiant avec des micro-ondes. Cette méthode paraît plus "facile" à mettre en oeuvre que celle utilisant la technique concurrente du confinement inertiel utilisant des lasers. Pour extraire de l’énergie de la réaction de fusion, il faudra résoudre un nombre consisérable de problèmes techniques et comprendre un certain nombre de phénomènes dont le plasma est le siège lors de la fusion (en particulier des instabilités hydrodynamiques, le plasma est un fluide, qui peuvent le déstabliser). L’ampleur des questions à résoudre a conduit les principaux pays qui travaillent sur la fusion (l’Union Européenne, les USA, la Russie, le Japon, la Chine et la Corée du sud) à lancer le programme international ITER sous l’égide duquel sera construit un réacteur expérimental en France à Cadarache, en Provence, où a été installé, en 2007, le siège de l’organisation internationale en charge du projet.

La somme des problèmes qui doivent être résolus pour faire marcher de façon satisfaisante pendant quelques centaines de secondes le futur réacteur en réalisant la fusion, a conduit les responsables du programme à confier à un groupe de scientifiques une expertise afin d’examiner si des modifications du schéma de fonctionnement du réacteur (établi il y quelques années déjà)  étaient nécessaires avant de lancer sa construction pour qu’il atteigne ses objectifs. Un rapport a été remis par les experts au comité de direction d’Iter qui en a examiné les conclusions lors d’une réunion qui s’est tenue, fin juin, à Aomori au Japon. Il apparaît que les experts ont recommandé pas moins de 80 modifications au projet de réacteur portant, en particulier, sur le dispositif de chauffage du plasma avec des micro-ondes, sur les aimants qui maintiennent le plasma en place, et sur un dispositif appelé "divertisseur" qui permet d’extraire par le bas de l’enceinte torique du plasma le combustible usagé. En fait, la principale modification proposée porte sur un système qui serait destiné a contrôler les bouffées explosives d’énergie émises par la réaction de fusion sur les bords du plasma dans l’enceinte qui le contient; en effet, si ces explosions étaient trop importantes elles pourraient déteriorer par érosion les parois du réacteur et, éventuellement, le divertisseur. Des chercheurs américains travaillant sur la fusion à San Diego, ont découvert récemment (cf. Daniel Cléry, "Design changes will increase Iter reactor’s cost", Science, vol. 230, p.1411, 13 June 2008) qu’un champ magnétique de faible intensité permettrait d’éviter des fuites d’énergie sur les  bords du plasma et ainsi qu’un mode de bouffées explosives ne s’installe dans le plasma. Cette solution est sans doute une parade envisageable à ce phénomène parasite dont les promoteurs d’Iter connaissent l’existence , mais elle requiert l’installation de nouvelles bobines  magnétiques la machine ce qui va augmenter de façon non  négligeable ses coûts de construction. D’autres experts, en revanche, estiments que si cette solution est probablement effiacace, elle doit cependant être étudiée plus à fond afin de mieux comprendre les phénomènes qui sont en jeu.  

L’ensemble des modifications proposées au schéma initial de réacteur Iter représente un addition financière très lourde: elles reviendraient à augmenter de 1,2 à 1,6 miliard d’€ le coût de construction initialement prévu à environ 5 milliards d’€. Le Conseil de direction d’Iter n’a pas pris de décision si ce n’est d’une part de commander une nouvelle étude indépendane…. et d’autre part de retarder de deux ans, à 2018, la date de la mise en marche du réacteur (prévue initialment en 2016). Ce surcoût, très probable, du projet Iter survient dans un contexte financier déjà tendu alors que les USA ont décidé de ne pas payer leur conribution financière au projet en 2008 (soit 140 millions de  $) et les partenaires du programme auront donc des déciuons difficiles à prendre à la fin de l’année, pour assurer le financement des modifications qui s’évéreront nécessaires.

Le projet Iter est un pari technique risqué dont on ne peut être assuré qu’il sera gagné et débouchera sur un réacteur industriel à un horizon qui recule encore et qui se situe bien au delà de 2050. L’histoitre de la fusion thermonucléaire contrôlée a été marquée, depuis les années 1950, par des prévisions optimistes et imprudentes des spécialistes du domaine sur le temps nécessaire pour réussir une première fusion auto-entretenue, qui ont été périodiquement démenties par les faits. Iter ne semble pas échapper à cette spirale infernale du temps qui recule périodiquement les échéances pour un succés qui demeure encore hypothétique. La fusion contrôlée est en fait une opération beaucoup plus difficile à réaliser que la fission nucléaire (il faut s’assurer notamment de la stabilité du plasma et extraire l’énergie de fusion du réacteur pour qu’elle soit utilisable) qui, elle, a été mise en oeuvre relativement rapidement : la fission a été découverte en 1938 et les premiers récateurs produisant de l’électricité mis en route au milieu des années 1950.

Les difficultés que rencontre et rencontrera le programme Iter ne doivent pas pour autant conduire à renoncer à l’entreprise, mais elles doivent inciter d’une part à la prudence sur les perspectives futures de l’énergie de fusion et d’autre part à laisser ouvertes d’autres pistes qui déboucheront peut être grâce à une percée scientifique ou une rupture technique (la voie du confinement inertiel par exemple). Enfin, pour ne parler que du nucléaire, les incertitudes sur la fusion devraient inciter les politiques de recherche sur l’énergie à ne pas négliger les efforts nécessaires pour perfectionner le nucléaire "classique" et trouver, éventuellement, de nouvelles voies pour exploiter l’énergie de la fission.


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