L’avenir des biocaburants: la cellulose est-elle soluble dans l’éthanol?

energie_heure_des_choix_photo_canne__sucre.jpgLa possibilité d’utiliser des carburants comme l’éthanol, produits à partir de  blé, de maïs, de colza ou de canne à sucre, comme substituts à l’essence, a fait couler beaucoup d’encre cette année. Il existe de fait une alternative à cette filière de biocarburants: les carburants produits à partir de la cellulose contenue dans des substances végétales (feuilles, paille, etc.). Une petit entreprise américaine vient de lancer une production pilote en utilisant cette technique.

L’utilisation de produits agricoles comme le blé, le maïs ou la canne à sucre pour fabriquer des biocarburants pour les transports (éthanol et diester par exemple) a l’inconvénient majeur de rentrer en concurrence avec les besoins alimentaires de la population mondiale. La forte hause des cours du blé et du maïs s’explique ainsi, mais partiellement, par la ponction réalisée sur la production agricole, notamment aux USA, d’une matière première pour fabriquer des biocarburants. Or, on sait qu’il est possible de fabriquer de l’éthanol à partir de résidus agricoles (paille, feuilles, bagasse provenant de la canne à sucre, etc.) et forestiers en utilisant la cellulose et éventuellement l’hémicellulose qui sont  aussi des sucres. Dans les parois des cellules végétales, par exemple celles du bois et de la paille, la cellulose est intriquée avec la lignine sous forme de fibrilles; la lignine est un polymère aromatique assez coriace qui gêne l’action des enzymes sur la cellulose. Celle-ci est constituée de longues chaînes de glucose (un sucre à 6 atomes de carbone) que l’on peut transformer en alcool en deux étapes: on hydrolyse la cellulose avec des enzymes (des cellulases) pour couper les chaînes de macromolécules, et obtenir ainsi de plus petites molécules  de sucre (du glucose) , puis on réalise ensuite une fermentation classique pour aboutir à l’alcool. La phase enzymatique du procédé n’est pas encore techniquement maîtrisée. L’utilisation de l’hémicellulose pose, en particulier, des problèmes spécifiques car elle est constituée de chaînes de sucre à cinq atomes de carbone et elle ne peut pas être fermentée par la même voie; celle de la lignine est encore plus complexe car il faut la dépolymériser par une voie catalytique (on peut opérer par voie thermochimique en la gazéifiant).

La société américaine Verenium (www.verenium.com), basée à Cambridge (Mas) et qui est spécilisée dans les technologies de fermentation et la fabrication d’enzymes, a introduit une série d’innovations importantes qui permettent d’une part de séparer la cellulose de l’hémicellulose, et d’autre part de faire fermenter les sucres que contient l’hémicellulose avec la bactérie Eschericia .coli modifiée génétiquement. Quant à la cellulose, elle est scindée en sucres par des enzymes et fermentée par un autre type de bactérie Klebsiella oxytoca qui a aussi l’avantage de produire des enzymes qui coupent la cellulose. Verenium a mis en marche une ‘bio-raffinerie" à Jennings en Louisiane à proximité de champs de production de la canne à sucre, cette usine pilote à grande échelle doit produire 5 millions de litres par an d’éthanol avec ces techniques. Elle utilse les déchets agricoles comme la bagasse (un résidu fibreux d’exploitation de la canne à sucre); elle envisage aussi de traiter une canne à sucre moins riche en sucre et qui est cultivée spécifiquement pour la production de biocarburants. Verenium annonce un prix de production de l’éthanol à 2 $ le gallon (0,35 € le litre) et envisage de passer rapidement à une production de 75 à 100 millions de litres d’éthanol par an. Elle a vendu une licence de son procédé à une firme japonaise d’Osaka qui produira 4 millions de litres d’éthanol par à partir de déchets de bois.

Cette première industrielle conforte la position des experts qui parient sur la possibilité d’exploiter la filière dite de deuxième génération des biocarburants utilisant notamment la cellulose (celle-ci constitue environ la moitié de la biomasse mondiale) . Cette filière, en effet, n’entre pas en compétion avec les besoins alimentaires de la planète qui comptera sans doute 9 milliards d’habitants en 2050. Notons, au passage, qu’elle aurait certainement un intérêt pour les DOM-TOM français. Ainsi, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) qui dépend de l’OCDE, propose-t-elle dans son tout récent rapport "Energy technology perspectives " plusieurs scénarios ambitieux d’utilisation des biocarburants (éthanol, diester, etc.) produits par la filière ligno-cellulosique. Les deux scénarios les plus ambitieux de l’AIE, baptisés "Blue Map " et ACT, prévoient une production de biocarburants de deuxième génération à l’horizon 2050 qui serait dans une fourchette équivalente à  600 à 470 Mtep soit de 23 à 15% des carburants nécessaires au transport. Le rendement moyen de la filière serait assez élevé : 5800 litres equivalents d’essence par hectare et par an pour le bioéthanol et 5300 litres equivalents gazole pour le biodiesel, ce qui est tout à fait considérable. Cette production nécessiterait la mobilisation d’une superficie agricole de 160 millions d’hectares, soit de 3 à 6% des terres agricoles utilisées aujourd’hui. Si les obstacles scientifiques et techniques qui demeurent encore sur la voie de cette filière étaient aplanis, celle-ci deviendrait crédible mais elle ne permettrait pas , toutefois, de résoudre complétement le problème que pose l’après pétrole au transport. ….


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