La recherche: un sésame pour les énergies du futur

De nombreux événements récents (Grenelle de l’environnement, franchissement de la barre symbolique des 100$ par le baril de pétrole, débats sur le gaz russe et le nucléaire iranien, etc.) ont bien mis en évidence la dimension politique de la question énergétique. Notre avenir énergétique, toutefois, n’est pas uniquement entre les mains de la géopolitique et de l’économie car l’histoire montre que la science et la technologie peuvent changer radicalement la donne en provoquant des ruptures techniques qui changent les modes de production et d’utilisation de l’énergie (ce fut le cas avec les perfectionnements apportés par Watt à la machine à vapeur, la découverte du moteur à explosion et de l’alternateur, le nucléaire, etc.). Il suffit de consulter les nombreux rapports sur les questions énergétiques (que nous analysons dans nos brèves) pour constater qu’il est indispensable de transformer les technologies de l’énergie. C’est précisément le rôle de la recherche de préparer ces ruptures. 

 

La recherche scientifique n’a certes pas réponse à tout mais elle peut être le sésame pour ouvrir des voies nouvelles au-delà de 2030-2050. Contentons nous de deux exemples. Il apparaît que la filière actuelle des biocarburants(basée sur le bioéthanol et le diester produit à partir du blé, du maïs, de la canne à sucre, du colza, etc.) ne tiendra probablement pas la route face à la montée des besoins alimentaires mondiaux (cf. notre bréve à ce sujet), il faut donc trouver une autre voie par la recherche. Uiliser la cellulose végétale est une piste, cela suppose que l’on mette au point des procédés enzymatiques adaptés pour dégrader la cellulose (en utilisant par exemple une cellulase produite par des bactéries modifiées génétiquement); on peut aussi tenter d’accroître les rendements de photosynthése pour accélérer la croissance végétale ce qui suppose sans doute le recours à des OGM. Dans un autre domaine, celui du nucléaire, il est clair que cette filière ne sera "durable" que dans la mesure où la question du stockage des déchets sera mieux résolue et où l’on parviendra à fiabiliser la filière des surgénérateurs fonctionnant au plutonium qui rentabilisera l’utilisation des combustibles nucléaires. Enfin c’est la recherche qui permettra, éventuellement, d’utiliser la fusion thermonucléaire à l’échelle industrielle soit par la voie du tokamak (celle du projet Iter), soit en utilisant les lasers pour produire le plasma de fusion.

La recherche doit donc  « ratisser large » et l’on doit être à l’affût des découvertes qui sont les prémisses de futures percées décisives. Or, force est de constater qu’en dépit des déclarations politiques en France et ailleurs dans le monde,  la recherche sur l’énergie n’est pas véritablement une priorité. Ainsi, les dépenses de R&D dans le domaine de l’énergie, financées majoritairement sur fonds publics, ont eu tendance à baisser, entre 1980 et 2005, dans pratiquement tous les pays du monde, à l’exception du Japon ; elles ont baissé de plus de moitié aux USA entre 1980 et 2005 alors qu’elles stagnaient en France où elles représentaient environ 12,5 % de la dépense publique de recherche en 2005 (environ 2 milliards d’euros avec une part du nucléaire représentant près de 80 % du total). Dans un avis consacré aux recherches sur l’énergie en France, remis en avril 2007http://www.hcst.fr/, le Haut Conseil de la science et de la technologie notait que le dispositif institutionnel pour la recherche publique sur l’énergie était fragmenté avec des concertations insuffisantes entre les acteurs; il avait proposé la création d’une « Assemblée constituante » pour aider à la gestation d’un dispositif et d’une politique plus volontaristes.

Que faire? Il n’est sans doute pas nécessaire de se lancer dans un mécano institutionnel en créant de nouvelles structures qui compliqueraient un système de recherche déjà passablement complexe (avec des grands organismes comme le CEA, le CNRS, l’IFP, un Institut de recherche sur le solaire, l’ANRD, l’ADEME, etc.) . En revanche, une dynamisation des recherches pourrait être la mission confiée à un Fonds national pour la R&D sur l’énergie alimenté, en partie, par une fraction des taxes sur l’énergie (la taxe carbone par exemple si elle voit le jour), qu’administreraient soit l’ADEME soit l’ANR. Les entreprises ont besoin de recruter des chercheurs et des ingénieurs qu’elles ne trouvent pas toujours à la sortie des Ecoles (c’est le cas d’EDF par exemple),  il faut donc créer des chaires  dans les universités et quelques Grandes ecoles pour développer les enseignements liés de près ou de loin à l’énergie.

Il faut souligner, enfin, que l’énergie est un défi mondial auquel les pays européens doivent répondre collectivement . La question énergétique, d’ailleurs, a été à l’ordre du jour en Europe dés la signature du traité de Paris, en 1951, qui créait la CECA (Communauté Européenne du charbon et de l’acier). Aujourd’hui, avec le traité de Lisbonne, les politiques de l’énergie et de la recherche font partie des compétences « partagées » entre l’UE et les Etats membres. En janvier 2008, la Commission européenne a proposé un plan ambitieux pour l’Europe de l’énergie à l’horizon 2020 (mais la R&D en est absente…) et elle a pris la décision de lancer en 2008 deux grands projets technologiques sur l’énergie les Joint Technology Initiatives (JTI) associant industriels et laboratoires publics avec un financement mixte : – un projet sur l’hydrogène et les piles à combustible (un milliard d’euros) – un projet Clean sky sur les moteurs d’avion visant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (1,6 milliard d’euros). L’énergie devrait être l’une des grandes priorités de la recherche de l’UE, à travers un programme financé, par exemple, par la vente des droits d’émission de gaz carbonique qui seront attribués par Bruxelles après 2012, et dont la mise en œuvre pourrait être déléguée à une Agence européenne de recherche sur l’énergie.Ce sont quelques idées qui pourraient être agitées à quelques semaines de la présidence français de l’UE.

L’avenir de la question énergétique n’est peut être pas totalement inscrit dans le présent et il appartient à la recherche d’explorer des voies encore inconnues aujourd’hui. Cela suppose une politique….

 

 



 

 


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