Quels scénarios énergétiques pour 2030-2050? Quo vadis?

confrence_ama_statue_2.jpgPlusieurs rapports de prospective publiés depuis l’an dernier ont proposé des scénarios énergétiques pour la planète. La quasi-totalité prévoient une très forte croissance de cette demande  d’énergie primaire  à l’horizon 2030-2050. La grande majorité des scénarios "prévoient" que celle-ci doublerait pendant ce demi-siècle.

Ainsi les scénarios de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), le World Energy Oulook 2007, et de la Commission Européenne, le World Energy Technology Oulook 2050- WETO H2 (auquel a travaillé le laboratoire du CNRS de Grenoble animée par Patrick Criqui) prévoient-ils une consommation d’énergie primaire en 2030 qui serait, respectivement de 17,7 Gtep et de 16,6 Gtep. A l’horizon 2050 leurs scénarios prolongent la croissance énergétique jusqu’à 22 Gtep pour WETO et dans une fourchette de 22 à 16 Gtep pour l’AIE Le Conseil mondial de l’énergie dans son rapport Deciding the future : Energy scenarios to 2050 (www.wec-france.org)  publié à l’occasion de son congrès à Rome, en novembre dernier, avait proposé quatre scénarios sur l’énergie à l’horizon 2050 (baptisés pour chacun d’eux d’un nom d’animal sauvage!) qui supposent pour la majorité d’entre eux un doublement de la consommation mondiale : une consommation d’énergie primaire de 27,5 Gtep pour le scénario le plus énergivore (la girafe) et au minimum un triplement. de la consommation d’électricité.  On observe que le scénario de référence de l’AIE prévoyait qu’en 2030 : – les combustibles fossiles représenteraient 82  % de l’énergie primaire, le charbon connaissant la plus forte croissance dans le panier énergétique (une croissance de 73%, sa part dans la consommation passant de 25% à 28%) – les pays en développement contribueraient à eux seuls à 74% de la croissance de la demande d’énergie primaire, la Chine et l’Inde en étant ensemble « responsables » de 45 % et tout particulièrement de la très forte augmentation de la consommation mondiale de charbon (elles contribueraient à 80% de la croissance de la demande de charbon). Le rapport WETO pousse un peu moins, quant à lui, à la consommation de combustibles fossiles (80% de la demande). Une variante du scénario WETO est moins énergivore: elle réduit de 3 Gtep la consommation primaire et la part des combustibles fossiles remplacés par des énergies renouvelables et du nucléaire.  Tous ces scénarios prévoient une forte croissance des émissions de gaz à effet de serre et en particulier de gaz de carbonique.

 La multinationale du pétrole Shell publie régulièrement des scénarios énergétiques globaux avec une importante dimension géopolitique (cf. à ce sujet l’article d’Albert Bressand,  "Les scénarios globaux de Shell" , Futuribles, 315, p. 49 Janvier 2006). Début 2008 Shell a publié deux scénarios très contrastés à l’horizon 2050 ( www.shell.com) qui ont le mérite de mettre en évidence les transitions ou turbulences fortes que la planète traverserait dans le domaine de l’énergie alors qu’elle sera confrontée à la demande croissante d’énergie stimulée par le développement de la Chine et de l’Inde: la production d’hydrocarbures subit des contraintes fortes qui pésent sur les prix tandis que les émissions de gaz carbonique sont la cause du réchauffement climatique. Le premier scénario de Shell porte le nom évocateur de "mêlée" ("scramble" en anglais): la consommation d’énergie double en 2050 par rapport à son  niveau du début du siècle, tous les pays négocient en ordre dispersé avec les producteurs d’hydrocarbures sans s’inquiéter des conséquences climatiques de la consommaition de combustibles fossiles, les prix montent provoquant des crises locales, la consommation de charbon est multipliée par un facteur 2,5 en 2050, les biocarburants se développent de façon anarchique. A partir de 2030  alors que des innovations commencent à changer la donne les pays se rendent compte qu’il faut mettre en oeuvre un politique internationale et se préoccuper du climat ! Le second scénario baptisé "projets"  ("blueprints" en anglais) est beaucoup plus contrasté voire consensuel: des politiques locales et régionales permettent une meilleure maîtrise de la consommation et de la production d’énergie qui croît d’un peu moins d’un facteur deux sur le demi-siècle. La production d’électricité serait multipliée, quant à elle, par un facteur trois mais elle serait assurée à 60% par des énergies renouvelables comme le soleil et l’éolien (la voiture éléctrique serait en plein développement). Un  important effort de recherche permet de mettre au point des nouvelles techniques de production et les émissions de gaz carbonique chutent après 2020. Un large accord international serait trouvé pour mettre en oeuvre un nouveau protocole de Kyoto appliqué après 2012 qui prévoit en particulier un marché international des droits d’émission de gaz carbonique.

 L’élaboration de scénarios est un art difficile, comme la prospective d’ailleurs (c’est ce que semble vouloir nous faire comprendre cette statue d’un philosophe qui pose devant une machine à vapeur  dans le musée Montemartini, un musée de Rome installé dans une ancienne centrale électrique via Ostiense au bord du Tibre, qui donne une impression surréaliste de l’art romain: une visite à ne pas manquer dans Rome "hors les murs" !) . On peut ergoter sur les "prévisions" que proposent ces scénarios (qui n’ont pas prévu la hausse du pétrole ou qui n’intégrent pas d’éventuelles "crises") et contester leus hypothèses parfois fragiles , voire très optimistes comme ceux du CME. Leur intérêt est, pour la plupart d’entre eux tout au moins, de mettre en évidence les obstacles redoutables que nous ne manquerons pas de rencontrer si une politique débridée d’augmentation des consommations est poursuivie au cours de cette décennie et au delà.


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