Un scénario énergétique héterodoxe: utiliser les gisements d’hydrates de méthane, rêve ou réalité?

Image00032.jpgDepuis près de trente ans, des prévisionnistes optimistes estiment que le panier des réserves énergétiques en hydrocarbures dont on peut penser qu’il sera presque vidé à la fin du sièce, pourrait être bien rempli par une ressource bien identifiée et gigantesque: les hydrates de méthane. Le rôle que pourraient jouer ces ressources en méthane est toutefois controversé car l’impact climatique du méthane est important. Un colloque d’experts a été consacré à cette question les 13 et 14 mars dernier à Vienne.

Ce colloque organisé à l’initiative de lIASA (International Insitute for Applied System Analysis, www.iiasa.ac.at ) réunissait à la fois des gélogues, des économistes et des experts de l’industrie pétrolière qui connaissent bien les hydrates de méthane. Ces hydrates, encore appelés clathrates par les physiciens qui les étudient, sont constitués par du méthane piégé dans une cage formée par des molécules d’eau, autrement dit un réseau de glace. Ils sont formés à basse température et à haute pression (au voisinage de 0°C et sous une pression de l’odre de 150 atmosphères). On les trouve au fond des océans par grande profondeur( là ou régnent des presions élevées), en général le long des marges océaniques (par exemple sur les côtes américaines du Pacifique et de l’Atlanique) mais aussi dans les régions continentales froides  piégées sous le permafrost de Sibérie.  Une première "expérience" d’exploitation des hygdrates avait été tentée au Canada, en1972, à Prudhoe Bay entre 500 et 700 m de fond mais l’exploitaion de ces ressources s’avère très difficile. les experts réunis à Vienne ont voulu en évaluer les perspectives. Ils conviennent que les estimations de la ressource sont encore divergentes: elles varient d’un facteur d’au moind deux, soit de 9 000 à 20 000 Tmétres cubes (le Tmètre cube ou Teramétre cube vaut mille Gigamètres cubes soit encore un million de millions de métres cubes) c’est à dire de 10 à 20 fois les réserves prouvées de gaz naturel. Il est nécessaire de comparer les contenus énergétiques ou en carbone des ressources: ainsi le contenu en carbone des hydrates de méthane serait environ le double de celui de toutes autre ressources en carbon fossile connues (charbon, pétrole, gaz)  et le contenu énergétique de ce méthane serait équivalent à cinq fois celui des réserves de charbon (qui représentent environ deux siècles de consommation )….ce qui est évidemment considérable. Les experts reconnaissent toutefois que ces estimations sont encore très incertaines.

Transformer ces ressources gelées en réserves exploitables est encore toute une aventure technique pour laquelle on ne dispose que de peu d’expériences. Les soviétiques avaient tenté, pendant quelques années, une exploitation d’un gisement d’hydrates en Sibérie à Messoyakha mais ils l’ont arrêtée car elle n’était pas rentable (ils injectaient du méthanol dans le gisement pour décomposer l’hydrate ce qui était coûteux). Un hydrate n’étant stable qu’à pression élevée ou à basse température, on peut en récupérer le méthane soit par dépressurisation (en pompant sur le solide),  soit par dissociation thermique (on provoque sa fusion par chauffage) . On peut aussi injecter du gaz carbonique dans le gisement qui déstabilise l’hydrate. Selon les experts le rendement énergétique d’une exploitaion est positif car il faudrait dépenser de 13 à 17 fois moins d’énergie pour extraire le méthane que celui-ci  n’en contient. Néanmoins les conditions d’exploitation sont encore totalement incertaines avec des risques d’accidents lors de fuites (d’explosions notamment).

En fait le principal risque que comporte l’exploitaion des hydrates de méthane est climatique. Le méthane est en effet un gaz à effet de serre "efficace": sa molécule absorbe les infrarouge rayonnés par la Terre (la molécule de méthane est même plus efficce que celle de gaz carbonique pour absorber ce rayonnement). Les experts de l’IIASA, réunis à Vienne, ont estimé que le contenu en carbone des hydrates de méthane était le quintuple de celui du gaz carbonique dissous dans l’océan. On conçoit donc que tout dégazage accidentel non maîtrisé d’un gisement de méthane expédierait dans l’atmosphère des quantités considérables de méthane qui amplifieraient l’effet de serre et contribueraient ainisi au réchauffement climatique. Ces experts observent, bien sûr, que ce dégazage pourrait être "naturel" si le fond des océnas se réchauffait ou si le permafrost de Sibérie en faisait de même par suite du changement climatique. Quoi qu’il en soit, toute exploitation d’un gisement d’hydrate de méthane devrait être sérieusement contrôlée pour éviter un accident climatique.

La place que pourraient occuper les hydrates de méthane dans les réserves énergétiques de la planéte reste encore une inconnue pour des raisons à la fois techniques et climatiques. Malgré les propos optimistes des experts réunis à Vienne (des économistes envisagent un marché d’exploitation de la ressource de l’ordre de mille milliards de $ en 2050), il est sans doute prématuré d’affirmer qu’ils constituent un nouvel Eldorado pour l’énergie. N’oublions pas cependant, qu’au début des années 1970, rares étaient les experts pétroliers qui auraient parié que l’on pourrait exploiter du pétrole off-shore par très grande profondeur (1500 à 200 d’eau aujourd’hui). La prospective nous apprend à être prudents…


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