L’énergie et l’eau: gérer les ressources pour éviter la disette

cnetrale_nuclaire_arorfrigrant_3.jpg     Cette semaine, le développement durable est à l’ordre du jour en France : il sera l’objet de débats et de diverses manifestations qui sont en continuité avec le Grenelle de l’environnement. Il n’est pas certain que l’eau soit au menu de ces débats, bien que le développement durable ("soutenable" devrait-on dire pour faire justice au terme anglais bien meilleur) suppose à la fois une bonne gestion de l’énergie et de l’eau… deux ressources qui sont trop souvent exploitées conjointement et sans compter..                           

Bien sûr l’eau est nécessaire à la production de certaines énergies (ne serait-ce qu’avec l’hydraulique) et son utilisation peut  être parfois massive dans ce secteur, mais elle est aussi indispensable à la vie que les kWh. De nombreuses agences internationales soulignent périodiquement que l’eau est devenue une ressource rare pour une partie de l’humanité. Ainsi selon l’UNESCO, plus de la moité des pays de la planète subiraient, en 2025, l’équivalent d’un stress hydrique avec des difficultés sérieuses pour s’approvisionner en eau potable et, en 2050, ce serait sans doute 75% de la population mondiale (9 milliards d’habitants?) qui éprouverait de telles difficultés. Les scénarios de consommation d’énergie que nous avons anlysés dans plusieurs bréves "prévoient," par ailleurs, sa forte progression d’ici 2030 (de 50 à 70% selon les scénarios) et avec très probablement un doublement des besoins en électricité. On observera qu’environ 1,2 milliard d’habitants de la planète n’ont pas d’accés direct à l’eau potable alors que 1,5 milliard d’habitants n’ont pas d’accés direct à l’électricité: ce sont probablement, d’ailleurs, les mêmes populations qui n’ont ni eau potable, ni électricité! Or l’eau est très souvent indispensable à la production d’énergie, en particulier à la production d’électricité à l’aide de centrales thermiques classiques (au charbon, au fuel ou au gaz) et nucléaires car il faut utiliser massivement de l’eau dans les circuits de refroidissement (pour les condenseurs de vapeur à la sortie des turbines, cf. la photo). La consommation d’eau par les centrales progresse partout dans le monde. Ainsi aux USA en l’an 2000, la production d’électricité représentait 39% de la consommation d’eau, et il est prévu que ce pourcentage puisse atteindre 50% en 2030. Cette eau est la plus part du temps pompée dans des rivières, prélevant ainsi partiellement une ressource qui peut être utile à d’autres usages (une partie de cette eau est recyclable, de l’eau peut être aussi pompée dans la mer, c’est le cas pour certaines centrales nucléaire françaises). Aux USA toujours, les périodes de sécheresse inquiétent les producteurs d’électricité, en particulier dans le Sud-est du pays, où les problèmes d’alimentation en eau ont affecté la production de 24 centrales nucléaires sur les 104 que comptent les USA. Rappelons qu’en France lors de la très sévére canicule survenue lors de l’été 2003, la production d’électricité a diminué de 15% et celle d’hydroélectricité de 20% pendant cinq semaines . En Australie, des conditions de sécheresse analogues en 2007, ont fortement affecté la production d’électricité (à une époque ou évidemment les climatiseurs marchent à plein régime). Pour éviter d’utiliser des ressources en eau qui peuvent servir à l’agriculture et à l’alimentation en eau potable des populations, on peut aussi utilser des eaux saumâtres ou des eaux de rejet agricoles et industriels (ainsi que de l’eau de mer) mais cela impose un traitement préalable ou l’utilisation de matériaux spéciaux pour éviter la corrosion des installations,  ce qui augme d’autant les coûts de production du kWh. 

Le recours aux biocarburants est souvent considéré comme une alternative aux combustibles fossiles (en particulier par la Commssion Européenne, cf. notre brève sur ce sujet) , mais il a aussi un coût hydrique important qui est rarement chiffré dans les scénarios optimistes publiés par les promoteurs de cette solution. La culture du maïs, par exemple, consomme beaucoup d’eau (il suffit de traverser la Beauce pour s’en rendre compte!) et son développement pour produire du bioéthanol exercerait une forte contrainte sur les ressources en eau, en France comme ailleurs. Il en va de même pour la canne à sucre même si dans les régions  tropicales les ressources en eau sont plus abondantes.

Si l’on n’a pas d’eau on peut aussi en "fabriquer"…. surtout si l’on est au bord de la mer. La dessalement de l’eau de mer est pratiqué depuis longtemps dans certains pays qui manquent de resources en eau potable pour l’agriculture et l’alimeation des villes, en particuleir dans les pays bien pourvus en énergie à bon marché, comme au Moyen-Orient. Les techniques de dessallement de l’eau de mer ont fait des progrès constants (distillation, utilisation de l’osmose dite inverse à l’aide de membranes de plus en plus performantes, etc.). Cette production d’eau douce a un coût énergétique (il faut pomper de l’eau, la faire passer sous pression dans des membranes, etc.), et en général il faut utiliser de l’électricité, mais ces coûts énergétiques ont très fortement baissé. Ainsi, on peut produire dans les pays du Golfe de l’eau potable pour un coût d’environ un dollar le métre cube (soit mille litres pour le prix de trois bouteilles d’Evian, un breuvage prisé dans ces pays sans alcool…). Il est possible d’abaisser encore ces coûts (il existe toutefois une limite "thermodynamique pour le rendement des techniques d’osmose inverse que l’on ne peut  pas dépasser) mais le rencherissement à long terme inéluctable du prix du baril de pétrole fera aussi monter le coût de l’eau à la pompe. Toutefois, les experts estiment qu’aujourd’hui, tous comptes faits, on sait produire de l’eau en utilisant 5 kWh pour mille litres ce qui met le coût énergétique de la  consommation "raisonnable" journalière (cela dépend où!) de cinquante litres d’eau potable par personne à 0,25 kWh d’électricité, ce qui est, en définitive, très peu (la consommation journalière d’électricité par personne est de 2,5 kWh en Chine…. de 30kWh aux USA et en moyenne de 8 à 10 kWh en Europe… et de 0 kWh dans beaucoup de pays africains). Si l’on a accés à de l’énergie on peut donc avoir de l’eau potable par dessalement….. à condition d’être proche de l’eau de mer.

Une bonne gestion des ressources en eau va donc de pair avec la gestion de la ressources énergétique (on lira à ce sujet avec intérêt plusieurs articles du numéro du 20 mars du magazine Nature  www.nature.com) . C’est un probléme auquel on devra prêter une attention croissante dans les années à venir et il sera intéressant d’entendre ce qu’il en sera dit lors de la "semaine du développement durable"…..en attendant la prochaine canicule!

 


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