Les perspectives de l’énergie solaire: de meilleures performances pour les cellules photovoltaïques?

energie_odeillo_2.jpgL’énergie solaire est considérée comme une énergie renouvelable inépuisable et n’ayant aucun impact sur l’environnement et le climat. La production d’énergie photovoltaïque est jugée prometteuse par les promoteurs de la filière. La limitation des rendements des cellules solaires (20% au maximum pour des cellules commerciales au silicium) et leur coût de fabrication élevé restent cependant un sérieux obstacle au développement de la filière….à moins que l’on ne puisse améliorer les performances des cellules. Il est de fait que l’on entrevoit quelques perspectives dans ce domaine.

Dans une cellule photovoltaïque les photons de la lumière solaire délogent les électrons d’un solide, par exemple un semi-conducteur comme le silicium qui est le matériau le plus utilisé aujourd’hui.  Les rendements des cellules photovoltaïques commerciales sont pour l’heure limités (un rendement commercial de 15 à 20% environ) et une percée de la filière solaire n’est possible que si l’on augmente fortement ce rendement pour le rapprocher de sa limite théorique absolue proche de 95%. Si l’on n’a pas observé de véritable rupture scientifique ou technique dans ce domaine, des travaux récents montrent, néanmoins, que l’on progresse continûment mais lentement sur la voie de l’amélioration des rendements des cellules. Ainsi, une petite société américaine, 1366 Technologies, qui est une "spin off" du MIT, a t-elle annoncé récemment qu’elle allait commercialiser des cellules fabriquées avec du silicium polycristallin dont le rendement avait été augmenté  de 27% ce qui le rapprochait de celui des cellules monocristallines (20%) dont le rendement est supérieur mais dont la fabrication est beaucoup plus coûteuse. Trois innovations expliquent cette bonne performance: – la surface des cellules est gravée de façon à y implanter des petites facettes qui vont réfléchir davantage de lumière vers l’intérieur –  le diamètre des fils d’argent dans les cellules est divisé par quatre ce qui diminue leur coût mais aussi la lumière qu’ils réflechissent – la surface des collecteurs du courant qui sont des petites plaques est traitée afin qu’ils réflechissent la lumière à l’intérieur du silicium. Le coût de fabrication de ces cellules est aussi fortement abaissé. Le rendement d’une cellule au silicium (ou fabriqué avec un autre matériau) est limité pour des raisons physiques: les photons solaires (les petites "particules" de lumière) correspondant à la lumière rouge ont une énergie qui permet d’exciter les électrons  du silicium et de les faire circuler comme des charges électriques libres que l’on peut faire débiter dans un circuit électrique; comme on n’utilise que la radiation rouge du spectre solaire le rendement de la cellule est limité à 31% (une limite théorique baptisée limite de Schokley-Queisser). Plusieurs améliorations sont possibles. Une première voie consiste à utiliser des « super  cellules » qui seraient constituées d’empilements de couches minces semi-conductrices, on utiliserait ainsi simultanément toutes les longueurs d’onde du spectre solaire (ces dispositifs sont utilisés dans des engins spatiaux) et avec des rendements de 70 à 80%.  La seconde voie en utilisant différents types de cellules consiste à concentrer le rayonnement solaire sur une cellule à l’aide de lentilles et de miroirs (des expériences de ce type sont réalisées au CNRS à Perpignan et Odeillo, la photo représent le laboratoire CNRS à Odeillo avec le four solaire) . On trouve dans la revue Reflets de la physique,  (www.sfpnet.fr, en particulier le numéro 6 d’octobre 2007), plusieurs articles qui font le point sur les possibilités de percées dans ce domaine.

Une autre voie est explorée depuis plusieurs années avec des succés certains (Robert F. Service,  "Can the upstarts top silicon" , Science, 319, p. 718, 8 Februry 2008, www.sciencemag.org) . L’objectif est de trouver le moyen d’exciter avec la lumière plusieurs électrons à la fois dans un matériau au lieu d’un seul . La démonstration a été faite que cela est possible avec des nanostructures formés de semi-conducteurs tel que le silicium ou l’arseniure d’indium, on peut obtenir des rendements de conversion de la lumière de près de 40% avec ce type de cellules (que l’on pourrait peut être porté à 80% en concentrant la lumière); on peut aussi ajouter des nanoparticules d’argent à la cellule (celles-ci favorisent l’excitation supplémentaire d’électrons dans la cellule) pour augmenter le rendement , mais leur coût de fabrication serait sans doute encore très élevé. Toutes ces perspectives techniques sont sans aucun doute intéressantes.

Le coût de fabrication des cellules photovoltaïques a décru constamment depuis dix ans par suite des effets de série mais la métallurgie du silicium (celui représente 90% du marché des cellules) qui est à la base de l’industrie des semi-conducteurs reste coûteuse en énergie (et elle est source de gaz à effet de serre, si bien qu’il faut environ quatre ans pour que la "dette carbone" d’une cellule soit payée, c’est à dire que son impact sur le climat soit moins important que celui d’une énergie électrique d’origine thermique). L’énergie électrique d’origine solaire coûte encore de cinq à dix fois plus cher que celle produite à partir du thermique classique ou nucléaire. Aujourd’hui, EDF en France, rachette le kWh produit par une installation solaire 55 c € lorsque les panneaux sont intégrés au batîment et 30 c € pour des panneaux classiques.

Pourrait-on se passer du silicium ou d’autres matériaux semi-conducteurs dont les coûts de production sont élevés? Si la réponse à cette question difficile était positive, on ouvrirait alors, évidemment, d’autres perspectives à la filière solaire photovoltaïque. On sait depuis longtemps que certains matériaux organiques sont des bons conducteurs électriques et l’on a donc imaginé fabriquer des cellules photovoltaïques "organiques" qui capteraient les photons solaires et pourraient ensuite permettre d’extraire des électrons d’un matériau. Une équipe de chimistes de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL, professeur M.Gratzel et al. Angewandte Chemie International edition, 47, issue 10, January 2008, p. 1923-1927) ) a publié en début d’année en collaboration avec une équipe de Tokyo des résultats intéressants et encourageants dans cette voie. Leur méthode consiste à utiliser des nanoparticules d’oxyde de titane enrobées dans un colorant organique qui absorbe la lumière et permet ainsi d’exciter et d’extraire les électrons du matériau organique. Les électrons sont collectés par l’oxyde de titane qui est un semi-conducteur et qui les transfére à un circuit électrique extérieur. Les particules sont immergées dans un électrolyte liquide qui permet de séparer les charges (les électrons excités laissent derrière eux des "trous" qui sont l’équivalent de charges positives et il faut les séparer des électrons pour éviter qu’ils ne se recombinent) et le tout est inséré entre des plaques de plastique. Les cellules solaires fabriquées avec un colorant organique synthétique tel que l’indol ont un rendement de 7,2% (avec un colorant à base de ruthenium le rendement monte à 11% mais leur coût de fabrication serait plus élevé). Le rendement de ces nouvelles cellules est pour l’heure faible (il est peut être possible de l’améliorer) mais leur coût de fabrication sera sans doute très bas et elles pourraient être utilisées sous forme de panneaux solaires recouvrant les façades et les toits de maison pour produire de l’électricité domestique.

Les idées pour développer des cellules solaires ne manquent donc pas, et c’est sans doute ce qui motive les industriels et les financiers qui investissent dans l’énergie solaire: les investissements pour l’énergie solaire dans le monde se sont élevés en 2007 à 12 milliards de dollars. Ce n’est pas encore un décollage mais, au moins, un signe que les perspectives de rentabilité de la  filière s’améliorent.


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