Scénario pour réaliser la fusion thermonucléaire: la voie des lasers

fusion_laser.jpg Réaliser la fusion thermonucléaire contrôlée est une perspective lointaine (au-delà de 2050) de ressource énergétique. On retirerait de l’énergie de la fusion de noyaux d’isopes de l’hydrogène (le deutérium et le tritium)  dans un plasma à très haute température (qui provoque la formation d’un noyau d’hélium). Deux voies sont explorées : – on tente de réaliser la fusion dans un plasma  confiné par un champ magnétique intense (c’est celle du projet international Iter à Cadarache) – on crée le plasma et on déclenche la fusion en irradiant violemment par des faisceaux lasers des capsules de tritium et de deuterium. La seconde voie est celle dite du "confinement inertiel". Des expériences réalisées très récemment permettent de mieux comprendre les phénomènes  qui se produisent lorsqu’on pratique ces irradiations.

Une équipe britannique travaillant au Rutherford Laboratory a mis au point, en effet, une méthode de "radiographie" qui permet de détecter les instabilités qui sont induites par les impulsions des faisceaux lasers avec lesquels on irradie les micro-capsules de deutérium et de tritium pour tenter de produire la fusion. Ces travaux publiés dans le magazine Science ont été réalisés en coopération avec l’université de Rochester aux USA qui est équipée d’un laser puissant (J.R.Rygg et al. " Proton radiography of inertial fusion implosions", Science, 319, p. 1223, 29 Februray 2008, www.sciencemag.org ). Dans la méthode d’approche de la fusion par le confinement inertiel, la fusion serait réalisée en deux étapes : – une première impulsion laser très rapide comprime la capsule qui en se vaporisant produit un plasma puis  implose : la vaporisation provoque un choc en retour, comme dans une fusée, qui comprime le centre de la capsule à une pression de plusieurs millions d’atmosphère – une seconde chauffe le plasma à une température de l’ordre de cent millions de degrés et provoque (on l’espère….) l’ignition, c’est à dire la fusion auto-entretenue dans tout le plasma. Pour réaliser la compression on peut soit irradier directement les capsules par un faisceau laser très intense, soit procéder indirectement en les irradiant avec des rayons X produits par l’impact de faisceaux lasers sur les parois de la chambre où sont placées les capsules. L’ignition peut être déclenchée soit par une irradiation directe à l’aide d’un second faisceau laser, soit indirectement par un jet d’électrons très énergétiques émis par le cône d’une micro-pointe conique d’or irradiée par un faisceau laser de grande puissance (cf. la figure). On procéde avec des irradiations mettant en jeu des puissances de l’ordre du petawatt, c’est à dire le million de milliard de watts) , et les physiciens savent que celles-ci provoquent des ondes de choc dans les capsules et le plasma qui peuvent  les déstabiliser; il est donc nécessaire d’avoir un outil de diagnostic assez précis pour caractériser ces instabilités au sein des capsules et les suivre. C’est ce qu’ont fait les physiciens britanniques en irradiant des capsules de 436 microns avec 36 faisceaux lasers qui déposent une énergie de 16 kJ (16 000 joules) pour des impulsions qui durent une nanoseconde et qui provoquent leur implosion et leur échauffement. Auparavant ils prennent le soin de produire un flux de protons de grande intensité en irradiant une capsule test placée à un cm en avant et où l’on a produit une réaction de fusion. Ce sont ces protons qui en traversant  les capsules  en cours d’implosion sont diffusés par le plasma vont les "radiographier" en donnant une image de la répartion de matière et d’énergie au sein des capsules au cours de leur implosion. Ils ont ainsi pu mettre en évidence l’existence d’une part d’un champ électrique trés intense au voisinage de la surface des capsuels en implosion (de l’odre d’un milliard de volts par cm) et d’autre part de petits "filaments " d’un fort champ magnétique de 60 teslas (le champ utilisé dans les appareils d’imagerie médicale est de l’ordre de un tesla), orienté radialement. Lors de l’implosion qui est la voie de passage obligée pour réaliser l’ignition du plasma, c’est à dire sa fusion auto-entretenue, on a donc la formation un réseau compliqué d’instabilités électromagnétiques, et le champ magnétique, en particulier, peut être à l’origine d’instabilités hydrodynamiques qui peuvent déstabiliser le plasma. Ces expériences, relativement "simples" , ne résolvent pas les problémes de la fusion inertielle mais elles ont le mérite de permettre de jeter un oeil sur la dynamique complexe qui est à l’oeuvre au sein d’un plasma avant que ne se déclenche une fusion aut-entretenue.

Ajoutons que deux articles parus dans le journal Nature Physics en octobre 2007 (Christine Labaune : « On the road to ignition » p. 680, et S.H.Lenzer et al. « Experiments and multiscale simulations of laser propagation through ignition-scale plasmas », p. 716) avaient aussi fait état de progrès obtenus avec un laser de très grande puissance aux USA (destiné  à simuler le fonctionnement de bombes H). Les travaux de simulation et les expériences réalisées à Livermore à l’aide de nouveaux dispositifs optiques montrent qu’il est possible d’éviter une perte de cohérence des faisceaux laser dans le plasma en opérant dans un cylindre dont les parois irradiées produiraient un fort rayonnement X contribuant à une forte compression des billes de deutérium et de tritium (la voie "indirecte").

Quelle que soit la voie empruntée, la fusion thermonucléiare n’est certainement  pas un long fleuve tranquille et ces expériences montrent que dans tous les cas la méthode choisie tant avec Iter (sur ce projet on lira avec intérêt: Claudie Haigneré et Bernard Bigot " Le programme Iter", Futuribles, 339, p.29, Mars 2008) qu’avec la voie des lasers, il va falloir se battre avec des nuisances potentielles que sont des instabilités au sein de la matière en fusion….


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