Faire du charbon propre: ou comment se débarasser du gaz carbonique avec de nouveaux matériaux?

Image00003.pngToutes les filières énergétiques utilisant des combustibles fossiles ont le grave inconvénient de produire massivement du gaz carbonique et de contribuer ainsi, via l’effet de serre, au réchauffement climatique. Stocker dans des réservoirs souterrains le gaz cabonique émis par une centrale thermique est la parade envisagée: c’est la technique de séquestration. Quant au charbon, il pose un probléme redoutable dans la mesure où d’une part son impact climatique est relativement plus important que celui du pétrole – il dégage plus de gaz carbonique pour produire la même quantité d’énergie – et où d’autre part il en existe des réserves importantes (deux siècles de consommation). D’où l’idée de produire du "charbon propre".

La production de "charbon propre" (rien à voir avec la houille blanche!) revient de fait à utiliser un procédé de séparation du gaz carbonique des gaz d’échappement d’une centrale thermique au charbon puis de le stocker dans une ancienne mine de charbon ou un gisement de pétrole qui n’est plus en exploitation: le charbon n’est pas propre mais on évite que sa combustion amplifie l’effet de serre. On dispose de techniques de séparation chimique éprouvées (elles s’appliquent aussi aux centrales à gaz et au fioul): on peut dissoudre le gaz carbonique émis et qui se trouve dans les gaz d’échappement dans un solvant organique (en général une amine) ou l’absorber dans des solides (les zéolites), ou encore le séparer du mélange de gaz en le faisant circuler dans des membranes.Ces techniques sont encore coûteuses: elles consomment de 10 à 15% de l’énergie produite par une centrale thermique .
Des travaux publiés récemment par deux équipes de chimistes de l’université de Californie à Los Angeles et de l’université d’Arizona laissent entrevoir que des progrès substantiels pourraient être enregistrés dans les méthodes de séparation à l’aide de zéolites (Barnerjee, R., et al. " High-throughput synthesis of zeolitic imidazolate frameworks and application to CO2 capture", Science, 319, p. 939 , 15 February 2008 cf. www.sciencemag.org). Les zéolites sont des composés minéraux, des alumino-silicates, qui ont la particularité de former des petites cages pourvues de micropores formés par des associations de tétraédres qui peuvent stoker des gaz ou des liquides (elles sont souvent utilisées comme catalyseurs). Les chimistes américains ont synthétisé 25 structures zéolitiques nouvelles: des atomes de zinc ou de cobalt remplacent les atomes de silicium ou d’aluminium dans les alumino-silicates pour former de nouvelles structures de cristaux et sont reliés entre eux par des molécules organiques en forme de ponts qui sont des dérivés de l’imidazole (un composé cyclique avec deux atomes d’azote. Ces structures forment des cages dotées de pores (leur ouverture est variable mais supérieure à un nanomètre) par lesquelles peuvent s’infiltrer des gaz comme le gaz carbonique ou le monoxyde de carbone qui peuvent être stockés dans les cavités. Ces nouvelles zéolites ont la particularité intéressante d’être sélectives: elles peuvent ainsi fixer le gaz carbonique et laisser s’échapper le monoxyde de carbone d’un mélange et donc fixer le gaz carbonique d’effluents gazeux d’une centrale ou d’une usine (le monoxyde de carbone pouvant être récupéré par ailleurs pour des synthèse). Ces composés sont stables et un litre des nouvelles zéolities peut stocker 83 litres de gaz carbonique à la pression atmosphérique et à 0°C (leur surface est de 1790 métres carrés par gramme de zéolite). En comprimant ces nouveaux matériaux dans un récipient où l’on ferait circuler un mélange gazeux avec du gaz carbonique (des effluents d’une centrale ou d’une usine de gazéification du charbon) on pourrait ainsi extraire le gaz carbonique et le stoker temporairement dans la zéolite, il pourrait être ensuite récupéré par dégazage (les molécules sont faiblement fixées sur les parois des cages). Ce procédé est probablement plus économique que les procédés de séparation chimiques ou à l’aide de membranes actuellement envisagés.

Il n’existe probablement pas de "charbon propre" mais il n’est pas interdit de tenter de pallier, ne fût ce que partiellement, les inconvénients environnementaux de son utilisation en stockant une partie des émissions de gaz carbonique de grandes centrales. Les côuts de telles opérations sont pour l’heure très élevés (20 € la tonne stockée?) et tout progrés dans la recherche qui les abaisserait serait favorable à la technique de séquestration. Il est probable, cependant, que celle-ci ne pourrait se développer que si le projet d’imposer une  "taxe carbone" voyait le jour. 


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