L’exploitation des pétroles lourds: une filière énergétique qui peut gazer!

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    Pétroles lourds et schistes bitumineux constituent la moité des réserves mondiales de pétrole. Il existe des réserves très importantes de ces pétroles dits "non-conventionnels" au Canada, en Alberta, et au Vénezuela. On sait aussi que ces pétroles très visqueux sont dégradés, c’est à dire décomposés, par l’action de bactéries qui provoquent la formation de gaz. L’action bactérienne n’est pas encore très bien comprise mais des géochimistes ont récemment mis au jour ces mécanismes, ouvrant ainsi la voie à des nouveaux modes d’exploitation de ces pétroles.

Les micro-oganismes qui sont actifs dans la dégradation des pétroles lourds sont connus depuis longtemps car on les avait trouvés soit à la surface soit dans des gisements très profonds et l’on supposait que la décomposition des hydrocarbures pouvait s’effectuer en l’absence d’oxygéne (mécanisme qualifié d’anaérobie). C’est ce type de mécanisme qu’ont étudié trois équipes de chercheurs du Canada (université de Calgary dans l’Alberta) , du Royaume Uni et de Norvége dans le cadre d’un projet de recherche. Ce projet curieusement baptisé Bacchus (on consultera avec intérêt son site internet : http://www.geo.ucalgary.ca/petroleum/research/bacchus2/bacchus1_web_site/Index.htm)  est  financé par un consortium de plusieurs compagnies pétrolières (dont Total, Shell et Agip pour l’Europe). Les chercheurs ont publié récemment leurs premiers résultats (Jones, D.M, "Crude-oil biodegradation via methanogenesis in subsurface petroleum reservoirs ", Nature, 451, p.176, 10 January 2008) qui permettent de comprendre les réactions bactériennes. Ils ont reconstitué en laboratoire les conditions de dégradation des hydrocarbures par des souches de bactéries; ils ont utilisé des échantillons de pétrole de provenance trés variée (Mer du Nord, Canada, Chine, Amérique latine). Ils ont suivi et analysé les émissions de gaz provoquées par la décomposition des hydrocarbures (des alcanes à chaînes longues, des naphtalénes, et d’autres composés aromaitiques). La décomposition anaérobie conduit à la formation de méthane et de gaz carbonique. Ils ont montré en particulier que des souches de bactéries Syntrophus aciditrophicus provoquent des réactions des hydrocarbures avec l’eau qui produisent de l’acide acétique, du gaz carbonique et de l’hydrogène et que dans une seconde étape, l’hydrogéne et le gaz carbonique se recombinent pour former du méthane. C’est évidemment ce type de réaction qui est la plus intéressante car, en bout de course, on peut aboutir par biodégradation du pétrole à produire 80% de méthane qui est directement exploitable. Le projet Bacchus avait pour objectif initial de trouver une méthode pour prévoir les conditions de biodégradation de gisements avant leur mise en exploitation, la présence d’un acide corrosif étant un gros handicap, mais ces travaux mettent en évidence un nouveau moyen d’exploiter les pétroles lourds: par biodégradation on produit du méthane beaucoup plus facile à exploiter (et qui dégage moins de gaz carboique que les autre hydrocrbures) et éventuellement de l’hydrogène. Si on pouvait accélerer cette biodégradation on aurait alors ouvert par la bio-géochimie une perspective intéressante : au lieu du pétrole on exploite le gaz !


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